

Avec Cloudwards l’an passé, la guitariste Mary Halvorson avait confirmé son choix d’une musique ample et collective, jouée en sextet, avec un instrumentarium relativement classique qui permettait une envergure sonore sur une base rythmique robuste tenue par la contrebasse de Nick Dunston et la batterie de Tomas Fujiwara. Cela avait commencé avec Amaryllis. Avec About Ghosts, on retrouve cet orchestre légèrement augmenté en septet, voire en octet lorsque le ténor de Brian Settles et l’alto d’Immanuel Wilkins viennent s’ajouter aux soufflants, comme dans « Carved From » qui offre à Mary Halvorson une plage de grande liberté, en surplus d’une sonorité très travaillée avec la vibraphoniste Patricia Brennan. Depuis que l’orchestre Amaryllis existe, on a pu constater qu’une véritable identité de groupe était née, identité forte qui était déjà la grande caractéristique de la guitariste. Ce mécanisme d’ensemble, on le doit à l’écriture très fine d’Halvorson, sa capacité à travailler en autant de petites cellules qu’il y a de doubles possibles dans l’orchestre, avec beaucoup de profondeur et sans pour autant négliger les individualités.
Elles peuvent être fortes dans ce sextet étendu, avec la grande liberté dont jouit Brennan (« Eventidal », où la guitare ne cesse également d’inventer des interventions à percevoir comme autant de chemins de traverse), mais aussi Adam O’Farrill, si lumineux dans chacune de ces prises de paroles (« Polyhedral » et son entente télépathique avec le trombone de Jacob Garchik). La musique imaginée par Mary Halvorson est d’une fluidité sans pareille avec cet orchestre qui lui offre une nouvelle dimension, un langage propre au naturel désarmant. « Endmost », le bouquet final, avec le ténor de Settles brille par sa fluidité, avec une guitare qui aime à se confondre avec la percussion à clavier, à la compléter, à jouer dans un spectre commun ; une surbrillance éthérée.
About Ghosts est une histoire de fantômes, ou plutôt d’esprits impalpables et d’impressions fugaces. « Amaranthine », sans doute le morceau le plus accompli de cet album avec les lentes boucles de Fujiwara qui semblent concentrer des instruments versatiles pour mieux ordonner une parole intensément collective. Avec ce violacé amarante, capiteuse fragrance, Mary Halvorson poursuit la métaphore florale entamée avec cet orchestre. L’amarante et sa floraison éternelle, tout comme l’est le talent de cette musicienne, toujours prête pour les disques les plus audacieux.