Chronique

Michel Lambert

Ars Transmutatoria Rouge

Michel Lambert (dms), Jeannette Lambert (voc), Laurent Charles, Davide Barbarino, Lionel Garcin (saxes), Emmanuel Cremer (cello)

Label / Distribution : Jazz From Rant

Il serait assez simple de dire qu’il y a deux Michel Lambert. Qu’il y a le batteur rageur et puissant que l’on croise toujours avec François Carrier à ses côtés, parcourant le monde de l’improvisation. Et puis il y a le Michel Lambert de Alom Mola, compositeur passionnant et rythmicien attentif, auteur de magnifiques partitions colorées et sans filet. Comme les choses sont aisées lorsque l’on cloisonne ! Mais rien ne se passe comme l’attendent les entomologistes et les rédacteurs de fiches : il y a tant de subtilités dans le free de Carrier/Lambert et tant d’énergie dans « Conjonction » où chante Jeannette Lambert sur Ars Transmutatoria Rouge que l’on doit se rendre à l’évidence. Il est des improvisateurs comme des autres humains, difficile de les séparer hermétiquement.

On l’avait déjà vu dans Alom Mola, et plus anciennement dans son célèbre Journal des Épisodes, le percussionniste québécois a un univers très riche, qu’il nourrit ici avec le chant de Jeannette Lambert, intense et accrocheur, et d’autres compagnons, comme le saxophoniste Lionel Garcin, très bâtisseur, ou le violoncelliste Emmanuel Cremer qui est le pendant idéal de la chanteuse, comme on peut le constater dans « Géométrisé » qui explose comme un éboulis soudain. Tout est question d’équilibre dans ce disque enregistré à La Buissonne à la fin de l’année 2019 ; de miroir, de symétries plus ou moins mouvantes. Pour compléter le jeu de Garcin, on découvre Davide Barbarino, qui se révèle un musicien accrocheur. Il a croisé, comme les autres participants à ce disque, la route de Barre Phillips et de son orchestre EMIR, et il est également un plasticien reconnu. C’est sur ce travail géométrique que se construit cet éloge de la transformation permanente, et sur le jeu des ombres.

Comme les beaux dessins de Lambert sur ses partitions, Ars Transmutatoria Rouge est une œuvre colorée, vive et remplie d’étrangeté qui stimule l’imagination. Il y a une atmosphère particulière, très onirique, qui nimbe une œuvre qui se dessine quasiment sous nos yeux. Il y a du rouge, effectivement, dans la chaleur que dégage un morceau comme « Haies d’eau » qui clôt l’album dans un climat très vaporeux. On comprend bien vite que ce disque est le premier d’une longue série, et pour peu qu’on s’intéresse aux dessins de Michel Lambert, on devine que les couleurs primaires seront tour à tour à l’honneur. A suivre avec un très grand intérêt.

par Franpi Barriaux // Publié le 31 janvier 2021
P.-S. :