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Edition du 15 avril 2024 // Citizenjazz.com / ISSN 2102-5487

Les dépêches

’’Naviguer, le chantenbraille"

Didier Petit - André Minvielle
Naviguer, le chantenbraille
(In situ - Orkhêstra) IS 240

1 Lagenaria 3’23’’
2 De gaï atau 3’35’’
3 Pas l’temps de m’ballader 1’59’’
4 Naviguer 3’43’’
5 La Comptine d’Orphée 6’04’’
6 Les sons de l’amour 4’48’’
7 Le chantenbraille 5’08’’
8 La p’tite mélodie 5’58’’
9 La tour de Babel 5’46’’
10 Summertime 3’58’’
Temps Total : 44’27’’

André Minvielle est un troubadour agile, un bateleur du verbe à la langue velue. Il est un accent aigu qui arpente les voix avec toute l’attention nécessaire à remuer nos méninges, celles qui restent trop tranquillement assises dans leurs fauteuils moelleux.

Didier Petit, qui « oscille entre Tristan Tzara et Maurice Bacquet », chante avec son violoncelle. Les tripes entreposées sur un pupitre qui vient juste de se casser la gueule sur ses pieds. Et la mémoire en bandoulière. Du tréfonds de leurs deux gorges, ils naviguent et nous chantent leurs vies mises en commun lors de plusieurs concerts captés en direct, le tout malaxé et remis en forme dans un petit voyage musical à géologie variable.


Didier Petit

Né à Reims en 1962 dans un environnement musical, Didier Petit commence à jouer du violoncelle dès l’âge de six ans. Quatre mois après les événements de Mai 1968, il entre au conservatoire classique, étudie le violoncelle, outil qu’il va travailler et sonder avec le temps. Mis en étroit contact par son milieu familial, il se passionne très jeune pour la musique contemporaine et se souvient de débats interminables lors de soirées d’après concerts. Il côtoie ainsi des musiciens : Pierre Penassou, Claude Ballif, Cathie Berberian, le quatuor Parrenin, Yves Prin… et le claveciniste Scott Ross que sa mère hébergeait à cette époque. En 1977, année où plusieurs attentats terroristes de la bande à Baader explosent en Allemagne, Didier Petit claque brutalement la porte du conservatoire et se retrouve livré à lui-même. Il réalise très vite que la musique ne veut pas se séparer de lui. Dans une envie d’excès et de dépassement cérébral et corporel, il se tourne vers le jazz et les musiques improvisées.

Magistralement marqué par l’Arkestra de Sun Ra et le Celestrial Communication Orchestra d’Alan Silva auquel il participera durant dix années, il entre comme élève à l’I.A.C.P, devient enseignant puis administrateur jusqu’en 1989. Il prend conscience de l’existence d’un certain nombre de musiciens improvisateurs européens par sa rencontre avec Misha Lobko. Il partage alors de nombreuses aventures musicales avec Vladimir Tarasov, Sakis Papadimitriou, Daunik Lazro, Bruno Girard, Denis Colin, Carlos Zingaro, Roger Turner, Benat Achiary, François Tusques, Marilyn Crispell, Jac Berrocal… Co-organise les ‘’Décades de musiques improvisées’’ qui se déroulent à la galerie Maximilien Guiol et enregistre un solo Sorcier chez Leo Record, puis un autre, dix ans plus tard, Déviation, parue chez La Nuit Transfigurée.

Afin de réaliser son désir de constituer l’utopie d’un courant, il lance en 1990 la collection de disques In Situ, un label qui propose aujourd’hui trente et une références. Utopiste et réaliste, Didier Petit ne perd toujours pas ce goût profond pour le risque et l’imaginaire, car il continue de croire en une certaine résistance de l’art.

André Minvielle

Né à Lée, en Béarn, à côté de Pau, André Minvielle débute des études approfondies de micromécanique à Orthez. C’est au début des années 1980, alors que François Mitterrand va être élu à la présidence de la République, qu’André Minvielle entame quatre années de conservatoire à Pau : études de chant lyrique et percussion classiques. Il créait à cette époque-là plusieurs groupes en tant que leader, c’est alors que l’idée germe avec l’improvisé, la langue d’oc, l’écriture d’us, dernière ligne droite avant Uzeste…

Dès 1985, tandis que les Etats-Unis continuent de soutenir la lutte armée des contre-révolutionnaires au Nicaragua, André Minvielle pose arts et bagages en Cie Lubat de Gasconha et participe en tant qu’artiste œuvrier à toutes les expérimentations de la compagnie Lubat. Il s’engage dans l’organisation des festivals Hestejada de las Arts où il rencontre et joue avec des musiciens, poètes, conteurs, comédiens dont Eddy Louiss, Michel Portal, Daniel Humair, Han Bennink, Louis Sclavis, Marc Perrone, Claude Nougaro, John Hendricks, Gilles Defacque, Serge Pey, Bernard Manciet…

Depuis les années 2000, il enregistre L’ABCD’erre de la vocalchimie et Chansons sous les bombes, se produit en concerts en duo avec Lionel Suarez, participe aux Deuxièmes Rencontres Internationales de Jazz de Monterey au Mexique et part en tournée en Corée avec Didier Petit. Batteur, scatteur, rappeur, rime-ailleurs qui chahute les mots et les conventions, André Minvielle explore, bouscule et réinvente avec un sens peu commun du direct (dans la communication, dans l’émotion, dans l’expression) les traditions populaires ou savantes, dont notamment l’univers du musette.

De jazz en java, du blues au patois, de mémoire gasconne en musiques pygmées, de la gaîté au déchirement, ce pourfendeur de mots saisit Pair du temps avec un incomparable sens de la langue et de l’improvise. Le jazz cogne, valse, virevolte, chaloupe et s’encanaille.