Chronique

Oboman / Ithursarry

Paris by Song

Oboman (oboe), Didier Ithursarry (acc)

Label / Distribution : Jazz Family

Paris est un fantasme. Déambulation pour badauds perchés sur les selfies ou musée à ciel ouvert qui se persuade qu’ici aussi la moisissure est noble, il y a plusieurs façons d’envisager la ville. On peut l’aborder en architecte topographe, ce fut le Pari(s) de l’ONJ. On a le droit de choisir de l’arpenter en promeneur taciturne et solitaire, c’est la ballade d’Eric Watson. Et puis on a loisir de l’assumer comme une ville parmi d’autres, ni plus belle ni plus trépidante. Un endroit où l’on vit, où l’on aime, où l’on déambule dans le brouhaha de « République », le pas juste un peu pressé par l’énergie des soufflets de Didier Ithursarry et des anches d’Oboman. Alliance d’un banlieusard et d’un Basque, rien de plus cohérent pour rendre grâce à une ville-monde qui se persuade qu’elle résonne encore comme un village… La claudication bravache des basses de l’accordéon, qu’accompagnent les élégants entrechats de l’aristo hautbois sur le rêveur « Montmartre », en témoigne. Le Paris du duo tente d’unir les appropriations de Paname.

Paris by Song, un autre parcours. On y entend Jo Privat dans un « Rêve bohémien » qui craque comme un souvenir où Oboman s’encanaille avec une légèreté peu commune. Les deux improvisateurs tournoient dans une valse qui peine à toucher terre. On songe aux dialogues d’Ithursarry avec Jean-Charles Richard dans Kantuz. On y déniche la même élégance du mélodiste, notamment lorsqu’on se perd à « Palais Royal », dans une étrange dilution du temps. Chaque station, chaque détour est l’occasion de raconter une histoire, de décrire une atmosphère, de regarder Paris avec un œil extérieur. Celui de la chanson, rapide crayonné d’à peine cinq minutes qui laisse beaucoup de place à l’imagination. « Moulin Rouge » et ses pas qui arpentent le pavé, captés en field-recording, en est l’exemple : images suggérées, couleurs exacerbées… Paris est nôtre en quelque note.

La rencontre entre Ithursarry et Oboman est ancienne, elle date des Oboréades qui s’inscrivait davantage dans une confrontation. Ici, les instrumentistes font cause commune. Celle de Paris ; mais elle sait aussi regarder ailleurs, n’est pas cosmopolite qui veut : ainsi « Casa Pepe », hommage à Paco de Lucia rappelle qu’Oboman aime tout autant l’Orient que le Brésil et tout ce qui offre des latitudes tropicales. Paris by Songs est une lumineuse chimère qui commence à « République » et se termine à « Bastille » comme tous les messages d’espoir. On virevolte de morceaux en morceaux avec le sourire aux lèvres. Une magnifique promenade.