Chronique

Roberto Ottaviano

Eternal Love

Roberto Ottaviano (ss), Alexander Hawkins (p), Marco Colonna (cl, bcl), Giovanni Meier (b), Zeno de Rossi (dms)

Label / Distribution : Dodicilune

Après nous avoir étonné avec son Quarktet transatlantique, le saxophoniste italien Roberto Ottaviano revient à la maison avec Eternal Love. Bien sûr, à se côtés on retrouve toujours le fidèle pianiste britannique Alexander Hawkins qui double son clavier habituel d’un Hammond ou d’un Rhodes utilisés comme des surpiqûres créatrices d’espace. C’est ainsi qu’on l’entend dans le lyrique « Uhuru » où le pianiste emporte au loin le soprano de son leader, jusqu’alors enferré dans des querelles infinies avec Marco Colonna. On avait déjà pu juger du talent du clarinettiste avec le batteur Christiano Calcagnile, mais ici, dans cette rencontre largement marquée par l’Afrique, il est le contrepoids idéal à la fougue étincelante d’Ottaviano. En témoigne cet intense échange dans « African Marketplace » d’Abdullah Ibrahim où sa clarinette basse permet au saxophone de se libérer toute entrave et intime à l’auditeur le besoin de danser.

Pour clore ce quintet majoritairement italien, le contrebassiste Giovanni Meier et le batteur Zeno de Rossi constituent la charnière centrale idéale. On s’en convainc dans l’élégant « Your Lady », lumineux morceau de Coltrane où la contrebasse se fait très musicale pendant que de Rossi, toujours pertinent, tient la maison avec une grande rigueur. Dans ce morceau, le dialogue entre les deux soufflants, clé de voûte de cet album paru chez Dodicilune, atteint son point de fusion grâce à des échanges volubiles. Si Colonna est davantage attiré par la rupture, surtout dans un contexte coltranien où le piano est totalement fondu dans le travail rythmique, Ottaviano n’est pas en reste, préférant une simplicité de jeu qui n’exclue pas une certaine emphase.

On l’aura compris, Eternal Love est un cri d’amour au jazz qui berce les oreilles du quintet depuis toujours. Même si « Questionable 2 » où Hawkins délaisse le piano pour le Rhodes est une composition d’Ottaviano, la plupart des morceaux sont des hommages à une série d’influences. De Charlie Haden (remarquable « Chairman Mao » où Giovanni Maier fait preuve de retenue et de douceur) à Don Cherry, traité avec beaucoup de tendresse sur « Until The Rain Comes », la playlist de ce disque est un champ d’honneur où l’on sera juste étonné de ne pas retrouver Steve Lacy, incontournable modèle au soprano. C’est étonnamment sur le très beau « Mushi Mushi » de Dewey Redman, souligné par une batterie inventive que l’on s’en rapprochera le plus, avec la joie communicative de ceux qui ne transigent pas sur la tradition de la Great Black Music, ni sur les libertés qu’ils peuvent y dénicher.