Chronique

Samuel Strouk

Silent Walk

Samuel Strouk (g), François Salque (cello), Vincent Peirani (acc), Florent Pujuila (cl, bcl), Diego Imbert (b)

Jeune compositeur reconnu pour le cinéma notamment, le guitariste Samuel Strouk navigue depuis des années entre musique écrite et fonctionnelle, relations épisodiques avec le jazz et attirance forte pour l’Europe Centrale, particulièrement les traditions yiddish. A ce titre, son nom n’est pas inconnu des lecteurs de Citizen Jazz, puisqu’on l’avait découvert dans le magnifique Est de François Salque et Vincent Peirani pour un titre de son cru, justement appelé « Yiddish » où on le retrouvait à la guitare, d’obédience classique, davantage harmonique que rythmique. Dans Silent Walk, un premier album très contemplatif aux contours géographiques aussi flous que mouvants, il n’est pas directement question de regarder vers le Levant ; la déambulation, bien que placide, n’est jamais monotone. Le folklore, plus chimérique qu’imaginaire, part dans de nombreuses directions, même si dans « Green B » la clarinette de Florent Pujuila tutoie les klezmer et que la contrebasse de Diego Imbert comme le violoncelle de Salque évoquent quelques sédiments laissés là par Bartók.

Naturellement, la vieille complicité entre Vincent Peirani et le violoncelliste est la colonne vertébrale du quintet. Dans l’agile « Remember In », c’est même le vecteur principal de l’atmosphère nostalgique sur lequel chaque instrument vient se greffer en s’emparant d’un thème simple, léger et délicat. Lorsque c’est le tour de Strouk, il joue de façon très mesurée, sans effets excessifs, avec une recherche de la dynamique collective. On retrouvera avec « Sister » le même type de construction, avec une guitare centrale. Accordéon et violoncelle viennent l’embrasser, entre tendresse et vague à l’âme. L’émotion à fleur de peau de cette promenade silencieuse est toujours sur le fil entre sourire et tristesse. C’est ce qui en fait toute la douceur.

La présence de François Salque, instrumentiste habitué aux compositeurs contemporains (il fut membre du quatuor Ysaÿe) et aux récitals classiques, offre à Strouk de larges registres et lui permet de libérer son jeu de guitare en amalgamant avec beaucoup de précaution l’ensemble des timbres. C’est ainsi que sur « Zone Out », sans doute le meilleur titre de ce joli album, on le découvre avec un son de guitare électrique plus agressif, souligné par la clarinette basse. Pendant ce temps, Peirani et Salque se chargent d’ordonner une pâte orchestrale toute dédiée à la musique de Strouk, qu’il convient de suivre sur tous les fronts qu’il voudra bien ouvrir. En silence ou non, les pas de ce musicien sont à suivre.