Chronique

Samy Thiébault

Caribbean Stories

Samy Thiébault (ts, fl, voc), Fidel Fourneyron (tb), Hugo Lippi (g, voc), Ralph Lavital (g), Felipe Cabrera (b, voc), Arnaud Dolmen (dms, voc), Inor Sotolongo (perc).

Label / Distribution : Gaya Music / Socadisc

Les voyages, comme un fil rouge tendu entre les disques de Samy Thiébault… Qu’il s’agisse pour lui de remonter le temps et de rendre hommage à ses vieilles amours musicales, celles du groupe The Doors avec A Feast Of Friends ou de dresser un bilan humain - il évoquait d’ailleurs des mélodies le décrivant musicalement - en se remémorant le cours de sa propre histoire à travers Rebirth, le saxophoniste n’aime rien tant qu’endosser le costume de l’explorateur.

Caribbean Stories ne fait pas exception à cette règle d’une musique en mouvement, en ce qu’il est le prétexte, une fois de plus, à une « traversée ». Le titre laisse deviner de quoi il retourne et c’est bien sûr toute une histoire du jazz qui se joue là, entre Afrique et Caraïbes, en regardant l’Amérique. Samy Thiébault précise : « Si l’on raconte que le jazz est né à la Nouvelle-Orléans, on sait qu’il fut forgé dans toute la Caraïbe. Africains, Tainos, Espagnols, Indiens, Anglais, Français, ces peuples se sont rencontrés dans les histoires d’esclavagisme, de révolte, de métissage, d’utopies et de libertés ». Cette aventure caribéenne se présente comme une illustration vivante de ce brassage, à l’image du groupe renouvelé qui entoure le saxophoniste. On trouve deux Cubains, trois Français dont deux Guadeloupéens, un Anglais… Soit un équipage prêt à de multiples escales : Fidel Fourneyron au trombone, Hugo Lippi et Ralph Lavital aux guitares, Felipe Cabrera à la contrebasse, Arnaud Dolmen à la batterie, Inor Sotolongo aux percussions.

Caribbean Stories n’est pas de ces disques qu’on décortique titre par titre. Il faut embarquer avec lui sans réserve et accepter de se laisser bercer par le foisonnement d’une rythmique dont la souplesse vous fait chavirer, par le scintillement acoustique ou électrique des guitares, par les éclats gourmands du trombone, par le chant du saxophone. Car voyager aux côtés de Samy Thiébault, c’est d’abord avoir l’assurance d’être touché en plein cœur par une musique plurielle – salsa, boléro, calypso, valse… – qui raconte mille histoires et ne se départit jamais d’un sentiment d’exultation, par-delà les souffrances qui les ont portées jusqu’à nous. Qu’on ne s’y trompe pas : Caribbean Stories est une célébration dans la joie. La ferveur qui habite le jeu du saxophoniste, parfois flûtiste, ne dit rien d’autre que son désir de faire vivre ses rêves et de les exposer en pleine lumière. Il n’y a chez lui aucune démonstration, aucun accès de virtuosité, ce qui n’exclut pas pour autant la volubilité qui le caractérise. On est conquis par sa passion pour toutes les musiques, par sa manière si sereine de les mêler pour mieux les laisser ruisseler. Vers la liberté.