Satoko Fujii Quartet

Au premier abord, on peut être surpris par ce Dog Days Of Summer de la pianiste Satoko Fujii en quartet, accompagnée de musiciens japonais. Si l’on a abordé, comme beaucoup dans l’Hexagone, sa pléthorique discographie à partir de son orchestre Kaze, on a l’image d’une pianiste de l’intime et des éléments, entourée de musiciens très organiques, capable d’évoquer le vent ou la matière. C’est vrai, mais c’est absolument réducteur, et c’est oublier que de New-York à Berlin en passant par Tokyo et Lille, Fujii et son compagnon le trompettiste Natsuki Tamura ont semé les orchestres et les rencontres aux couleurs différentes.

Témoin ce quartet, né au début du siècle : la basse contondante de Hayakawa Takeharu et la batterie insatiable de Tatsuya Yoshida sur « A Parcel For You » transportent le piano dans un chaos puissant voire musculeux, aux reflets métalliques. C’est l’équilibre entre les deux pôles qui révèle alors toute la puissance de l’orchestre. Tamura et Fujii répondent comme en miroir, avec une puissance décuplée, la trompette allant chercher le point de rupture alors que la main gauche de la pianiste impose une progression inexorable. Dog Days of Summer est une puissante démonstration de free jazz, et la nuance vient paradoxalement lorsque les quatre musiciens se carambolent. Manifestement, l’envie était trop pressante de se retrouver depuis Bacchus, le dernier album studio en 2007. Dans « Low », d’autres alliances se forment : Tamura et Takeharu construisent ensemble une tournerie que la batterie de Yoshida articule avec Satoko Fujii. Les deux derniers sont très complices, comme le souligne le duo Toh-Kichi.

Si le quartet est très collectif, il laisse aussi la place aux échappées belles. Les solos, notamment de basse et de batterie, sont légion, comme autant de passages de relais dont le but est de conserver l’énergie intacte, comme une épice précieuse. Intrinsèquement, le Satoko Fujii Quartet est un orchestre de scène : au mois d’août, la pianiste avait publié sur son Bandcamp un live After Fifteen Years qui secouera l’auditeur sans ôter la finesse des improvisateurs. Néanmoins, cet album studio paru chez Libra Records offrira une écoute fidèle d’un typhon en formation.
Quelle que soit la puissance du vent, Satoko Fujii est toujours toutes voiles dehors.