Chronique

Simon Chivallon

Light Blue

Simon Chivallon (p), Nicolas Moreaux (b), Antoine Paganotti (dms).

Label / Distribution : Jazz&People

Deuxième essai discographique pour Simon Chivallon. Après un Flying Wolf sous influence coltranienne, Light Blue – titre emprunté à une composition de Thelonious Monk – est l’occasion pour le pianiste d’opérer une réduction d’effectif en se présentant en trio. Saxophones et trompette s’effacent pour céder la place à une formule éprouvée, dont l’histoire est jalonnée de noms prestigieux, on le sait bien. Ce n’est jamais sans une certaine forme de risque qu’on se lance dans une aventure que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier d’épreuve de vérité.

Au programme de cet album enregistré au mois de septembre 2019 avec une paire rythmique habile à colorer tendrement sa pulsation – Nicolas Moreaux à la contrebasse et Antoine Paganotti à la batterie – on découvre tout au long des dix titres proposés une association réussie entre compositions originales et reprises. Celles-ci montrent le spectre des influences du pianiste, qui vont de Gabriel Fauré (« Après un rêve ») aux Beatles (« Something » dont les premières mesures font entendre « A Day In The Life »), en passant par la chanson française (« Dans l’eau de la claire fontaine » de Brassens, « La Mer » de Trénet) et le jazz forcément (Monk avec « Light Blue », Ellington et « A Flower Is a Lovesome Thing »).

Là où son prédécesseur semblait traversé de courants forts et d’une tension constante, Light Blue exprime au contraire la sérénité, dans une sorte de décontraction heureuse qui traduit sans doute, au-delà de la maturité, le besoin mélodique qui habite le pianiste et peut-être aussi une possible ouverture en direction d’un public élargi. Et ce n’est pas lui faire injure que d’échafauder une telle hypothèse, parce que le jazz n’est pas une langue que seuls quelques initiés peuvent comprendre. Brasser les styles, attirer l’attention avec des thèmes bien connus de tous, les faire renaître sous d’autres couleurs écrites et improvisées, tel est bien le propos ici. Et l’on notera non sans plaisir que, dans cette opération de fusion, les quatre compositions originales de Simon Chivallon tiennent la dragée haute à leurs aînées. À cet égard, « Joy » ou « The Wanch » impriment vite leur petite musique, à mi-chemin entre ballades pop et constructions plus savantes. On sent bien que Bill Evans est présent. On comprend que l’univers romantique d’un Brad Mehldau n’est jamais très loin. On peut aussi penser au travail de passeur accompli par Pierre de Bethmann, avec ses Essais notamment. Ce dont personne ne viendra se plaindre. Ils sont nombreux en effet, ces aînés qui sont passés par là avant lui et sont venus forger l’imaginaire de Simon Chivallon, pianiste sensible qu’on a grand plaisir à retrouver une fois encore.