Chronique

Sophie Alour

Enjoy

Sophie Alour (ts, fl, comp), Fiona Monbet (vln), Raphaëlle Brochet (voc), Abdallah Abozekry (saz, voc), Ersoj Kasimov (derb), Donald Kontomanou (dms), Damien Argentieri (p), Philippe Aerts (b).

Label / Distribution : Music From Source

Y a d’la joie ! Ce n’est pas Sophie Alour qui prétendra le contraire, elle qui a aussi vite que possible remis le couvert de sa musique panoramique et voyageuse, dont nous avions ici-même souligné le sentiment de plénitude qui s’en dégageait. Après Joy publié l’an passé, voici Enjoy, enregistré live au mois de février 2021. Le coronavirus et les confinements sont passés par là, ravivant les désirs de se retrouver sur scène, tous ensemble. La pandémie a certes contrarié la présence de Mohamed Abozekry et de son oud, bloqués bien malgré eux en Égypte et remplacés par le frère joueur de saz, Abdallah Abozekry. Mais le cercle s’est élargi par l’ajout de couleurs, celles de Fiona Monbet au violon, et du chant de Raphaëlle Brochet. De quoi enluminer la cellule rythmique, inchangée quant à elle et formée par Damien Argentieri (piano), Philippe Aerts (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie), auxquels vient s’ajouter le macédonien Ersoj Kasimov au derbouka. On ne saurait imaginer une formation plus internationale et une meilleure incitation à faire voler les frontières en éclats.

Par-delà les qualités intrinsèques d’une musique nourrie de brassages et d’un répertoire identique d’un album à l’autre – en ce sens, Enjoy est bien à comprendre comme une variation de Joy, c’est le message de paix adressé à tous qu’on a envie de mettre en avant. On nous taxera peut-être de naïveté, qu’importe… En ces temps de stigmatisation de l’Autre et de prolifération des discours suintant la haine, Sophie Alour, qui laisse beaucoup de place à ses partenaires et assure avec discrétion son rôle de leader au sein de ce qui se présente comme un vrai collectif, a l’humeur résolument humaniste et franchit les frontières dans une forme d’allégresse qu’on ne confondra pas avec de l’insouciance. De l’Orient à l’Occident, en une succession d’allers-retours et de voyages qui vous conduisent aussi vers l’Inde ou l’Irlande. C’est une musique de la fusion, symbolisée par exemple par le mariage des chants de Raphaëlle Brochet et Abdallah Abozekry (« Exil » en est la parfaite illustration), qui culmine tout autant par ses élans – individuels ou mouvements d’ensemble – que par ses ballades et une capacité à s’octroyer le temps d’un retour du soi.

Loin des urgences et d’une consommation effrénée de l’immédiat, Enjoy est tout sauf un disque dans l’air du temps. Il est ailleurs, tourné vers le ciel, comme une invitation à ouvrir en grand les portes et à respirer profondément un air enfin purgé de ses miasmes.