Chronique

Theorem of Joy

Theorem of Joy

Thomas Julienne (b), Ellinoa/Camille Durand (voc), Boris Lamerand (vln), Thomas Saint Laurent (g), Tom Peyron (dms) + Les enfants d’Icare (guests)

Label / Distribution : Blue Fish

Theorem of Joy est une construction. Quelque chose de mathématique, ou pour le moins de logique, comme le sont potentiellement tous les théorèmes en vigueur ? Peut-être… Ou alors il faut s’attendre à ce que le contrebassiste Thomas Julienne et la chanteuse Ellinoa prennent joyeusement à rebours les Pythagore et Thalès de toutes obédiences pour mieux célébrer une vision onirique et pleine d’étrangeté. S’il s’agit d’une construction, elle est scénaristique. L’histoire s’épanche au fur et à mesure du justement nommé « Sablier », où la guitare de Thomas Saint Laurent et les balais de Tom Peyron nourrissent une mécanique qui peut dans un premier temps paraître répondre à un fonctionnement huilé mais s’avère souvent plus complexe qu’elle en a l’air. Ainsi, lorsque le remarquable violoniste Boris Lamerand pointe son archet sur « Hope To Sea You », il baigne le texte d’Ellinoa d’une douce lumière qui souligne la légère naïveté de la chanson et prépare le grain des remous de la guitare à venir, dans une accélération qui fait songer à un break très canterburyen.

Thomas Julienne signe les arrangements et les compositions du quintet, même si la chanteuse est clairement celle qui indique les couleurs et les températures de ce premier album. Elles sont souvent chaleureuses et plutôt pastel, bien que changeantes. Les partis pris de Julienne, parfois debussyen, et l’équilibre entre cordes (sur plusieurs morceaux, Les Enfants d’Icare, sextet de Lamerand viennent faire le nombre) et une base rythmique mouvante qui intègre parfois la chanteuse (« Impostor »). Les directions sont différentes de son Wanderlust Orchestra. L’orchestration fait une large part à un jazz fort classique, à l’instar de « Two Lines » où le violon s’offre des échappées belles qu’Ellinoa surmonte par une adaptabilité remarquable. Une qualité que nous avions pu estimer dans ses divers projets.

Sur les deux parties de « Ghost », qui forment le sommet de ce premier album, on peut découvrir à quel point le travail de Julienne est marqué par l’écoute - qu’on imagine intensive - de rock progressif. Certes, le propos est bien plus moderne, mais le très intéressant échange entre la contrebasse et l’alto à l’orée de « Ghost Pt 2 », ainsi que les ruptures régulières en sont des marqueurs évidents. Il en résulte un travail très personnel, qui ne cherche jamais la facilité et se montre méticuleusement mis en scène. Un bel ensemble très original, à suivre de près.