Scènes

Tremplin Jazz d’Avignon 2009 [2]

Suite de notre compte rendu…


[Suite de la première partie de notre compte rendu ]

Venons en à présent au Tremplin proprement dit, qui commence avec un groupe français venu de Lyon SINGE, pour une « musique tordue, libre et spontanée ». Thibault Florent (compositions, guitare), Arnaud Laprêt (batterie, percussions) et Elodie Pasquier (clarinette) s’empêtrent un peu dans des boucles où ils entrent en canon, mais il se détache néanmoins du phrasé assuré et de l’interprétation ardente de la jeune clarinettiste quelque chose d’assez fort pour que le jury se décide à lui attribuer le prix d’instrumentiste. En revanche, les Allemands du brass band Brumcalli ne réussissent pas à s’imposer, malgré la puissance explosive des trompettes, tubas, trombones et saxophones qui aurait pu emporter l’adhésion du jury…

Singe, photo Clarisse Caron-Biou (D.R.)

Suit le dernier concurrent, venu de Belgique, un Christian Mendoza group structuré, équilibré, aux compositions longues et souvent planantes. Bien que Péruvien d’origine, Mendoza a principalement vécu en Belgique. Très actif, comme nombre de musiciens belges, ce pianiste s’est frotté à diverses formations, du duo au big band, et a fini par créer un quintet qui jongle avec différents styles en laissant une grande part à l’improvisation. Les deux soufflants croisent leurs mélodies avec talent. Si « Aube » pose un climat mélodique de ballade un peu sage, « Passe-temps » contraste par son style plus free dont les accents ethniques sont portés par les coulées vibrantes de Ben Sluijs (saxophone alto, prononcer Sleus), auquel se joint le son à la fois cristallin et profond de Mendoza. Sur « Empty », ce dernier aborde un style plus minimaliste, une série de notations minuscules qui enflent soudain et se bousculent en crescendos marqués. Le bel élan des interprètes concourt à l’installation d’un vrai climat, une certaine fièvre sous une apparente « force tranquille ». Peut-être parce que le batteur Teun Verbruggen, coloriste délicat et ferme à la fois, se détache au sein de la rythmique.

Christian Mendoza Group, photo Clarisse Caron-Biou (D.R.)

La deuxième soirée propose un trio de charme, même s’il est très réducteur de présenter ainsi Kalima, trio de musiciennes venues du Luxembourg, certes séduisantes, mais surtout convaincantes par leur enthousiasme : le piano (Laïa Genc) et la clarinette basse (Anne Kaftan) mettent en valeur la voix bien timbrée de Sascha Ley et entraînent le public dans un voyage au long cours au cœur des grandes métropoles indiennes toutes en couleurs et en rythmes. Mais c’est peut-être avec une fougueuse « Paloma » qu’elles achèvent de nous conquérir. Elles remporteront donc le Prix du public ; à mes oreilles, toutefois, continue à se poser la délicate question du répertoire…

Le groupe suivant français vient de Paris. Sloobiie propose une pop parcourue, grâce à la guitare de Tam de Villiers, de belles fulgurances relevées par les percussions fines d’Ilya Amar. Assez convaincant musicalement, mais éloigné du jazz. La prestation du dernier groupe démarre de manière étonnante par un long préambule du leader, le pianiste Greg Aguilar - un choix radical et une esthétique très classique (Debussy). S’il se réclame de Brad Mehldau, ce trio piano-basse-batterie ne réussit pas à convaincre, en dépit de personnalités musicales volontaires qui installent un climat tendu aux accents vigoureux sans que, finalement, rien de très concluant ne ressorte du discours.

Le Tremplin couronne donc sans hésitation le groupe de Christian Mendoza, qui a su le mieux répondre aux conditions spécifiques du règlement : jouer dans des conditions d’examen, gérer donc son temps et choisir le répertoire le plus adapté à une performance courte mais décisive.