Chronique

Trio Zephyr

Travelling

Marion Diaques (vla), Claire Menguy (cello), Delphine Chomel (vl)

Soutenues par le label La Buissonne chez qui elles ont enregistré tous leur disques, les musiciennes du Trio Zéphyr continuent à développer leur parcours à part au sein de la musique orchestrale occidentale. Une perspective inclassable, entre structure très écrite des morceaux et imprévision des formes. Proximité avec des artistes qui oscillent entre jazz et musique contemporaine, à l’instar de Magic Malik qu’elles retrouvaient sur l’album de la chanteuse Céline Wadier, et affection particulière pour un folklore plus cosmopolite qu’imaginaire, c’est à dire bouquet de plusieurs essences en provenance de géographies diverses qui se marient sans s’annuler. A de nombreuses reprises, notamment lorsqu’elles chantent à l’unisson, on songe aux univers de Chet Nuneta ou à d’autres errances.

Le Voyage, voilà la grande affaire de ces cordes sans attaches qui avec Travelling nous emmènent naturellement ailleurs. Fini l’Espagne à vif de Jours de Vent, Lointaines, les volontés orientalistes de Sauve tes Ailes. Le but ici, c’est le voyage. Lent, à l’image de « Refuge » qui fut composé à Alep en 2008, où le violoncelle de Claire Menguy trace une voie qui serpente doucement et profite de chaque instant pour lui donner un doux relief, sans dévers inutile. C’est le propre des voyages en train, auxquels le disque est dédié. Pas de tchou-tchou en fond sonore, pas de compostage obligatoire, mais une certaine langueur, un temps qui traîne, ni perdu ni lourd, mais comme suspendu par la route toute tracée du chemin de fer.

C’est finalement le thème de « I Saw The Time », où Zéphyr invite Piers Faccini. Sa voix de velours se mêle parfaitement aux pizzicati du violon de Delphine Chomel et à l’alto entêtant de Marion Diaques qui forment à elles deux un mouvement cyclique, joliment répétitif, qui n’est pas sans rappeler le bercement d’une locomotive sur les rails. L’alto est, sur ce nouveau disque, le cœur de l’orchestre. Pas seulement son centre au jeu des timbres, mais son afflux sanguin. « Hélianthème » en est le plus sûr témoignage : ce court titre est un vagabondage qui rebondit sur des cordes et nous prend par la main dans des dimensions parallèles. Les secondes s’y égrainent différemment. Le temps nous est laissé pour divaguer sereinement. Il est précieux.

par Franpi Barriaux // Publié le 4 février 2018
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