Vienne 2013 - suite et fin
Bouquet final avec Impérial Quartet et… George Benson
Bouquet final avec Impérial Quartet et… George Benson
13/07. Lauréat du Rézzo 2012, l’Impérial Quartet avait, comme le veut la tradition, rendez-vous à Vienne sur la grande scène du festival pour lancer la soirée « All Night Jazz ». Un exercice jamais simple dont s’est pourtant jouée la jeune formation via un set écourté mais dense et éclatant. Il n’est jamais banal de remporter un concours de jazz, surtout celui du Rézzo qui met aux prises, d’un côté, quelque chose comme les vingt-deux meilleures formations de l’Hexagone, et de l’autre un jury de vieux briscards dont (jusqu’à cette année) Thierry Serrano, directeur d’A Vaulx Jazz, et François Postaire, directeur de l’Amphi de l’Opéra de Lyon. Comme on le sait, c’est donc l’Imperial Quartet qui a remporté le Rézzo 2012, aboutissement d’une aventure commencée tout juste deux ans plus tôt, lorsque Damien Sabatier, Gérald Chevillon, Antonin Leymarie et Joachim Florent ont décidé de lancer cette formation atypique, basée sur deux saxophonistes utilisant à peu près tous les registres de l’instrument, un bassiste et un batteur/percussionniste. A Lyon notamment, ces musiciens ne sont pas des inconnus : avides d’expériences, de rencontres improbables, de sons toujours renouvelés, ils n’ont cessé de dynamiter toutes les scènes qui voulaient bien les recevoir, du Rhino à la regrettée Agapes, en passant par l’Amphi ou d’autres scènes plus éphémères.
Précisément, juste avant Jazz à Vienne, Thierry Serrano avait eu la bonne idée de leur donner carte blanche durant le dernier A Vaulx Jazz. Moyennant quoi Sabatier et Chevillon, drapés dans des costumes qu’on ne risque pas d’oublier, avaient débarqué avec deux percussionnistes mandingues, Ibrahima Diabaté et Ali Diarra, pour une rencontre au croisement d’improvisations « intercontinentales », jazz européen d’un côté et, de l’autre, rythmes réinventés en provenance du Mali, du Bénin ou du Burkina Faso.
Si A Vaulx Jazz constituait l’une des principales étapes du Rézzo (la formation gagnante est programmée tout au long de l’année sur diverses scènes), le passage sur la grande scène de Jazz à Vienne, en préambule de la dernière soirée, en constitue peu ou prou le stade suprême. L’exercice n’a, on s’en doute, rien de simple : entre un public distrait venu plutôt pour danser sur les ritournelles de George Benson et les étourneaux qui font des loopings, plus des avions de papier qui n’en font pas, le grand soleil et les barquettes de frites, l’ambiance ne se prête pas forcément à l’écoute de cette musique inventive. Heureusement, l’Impérial a déjà une belle expérience de la scène et, de plus, ses « leaders » (terme risqué dans un quartet aussi soudé) usent de sax qui retiennent immédiatement l’attention. De fait, ce set viennois, même rapide, tient du un feu d’artifice. Rapide, dense, éclatant. Mélange de transgression musicale, de groove ravageur martelé par un sax basse ou un sax baryton décapant d’enthousiasme, le tout en temps limité. Le quartet avait peu de temps pour tout dire. C’est la règle du jeu ce soir-là où tout est minuté comme une visite officielle de ministre dans un salon agricole. Mais l’Imperial y est parvenu. Séduisant un public qui découvrait une de ces jeunes formations à l’éclatante santé, dignes représentantes du jazz français d’aujourd’hui.
- George Benson © Chr. Charpenel
Il a beau arriver avec le même pantalon satiné Hollywood-sixties, son incroyable coupe de cheveux façon serpette et son anti-rides, il est dévoué au public présent avant tout pour lui et tout se remet en place comme il y a deux ans. George Benson… pour l’annoncer avec effet, appuyer sur la première syllabe du prénom, et ramener à rien le « Benson ». Il apparaît. Théâtral. Colossal. Ecarte les bras. Une petite main lui tend une des deux guitares alanguies sur leurs supports et 1,20 accord plus tard le ton est donné, le Théâtre antique est debout : « Give Me the Night » and so on, George Benson est lancé. Il ne se lasse pas. Le public non plus. Immuable. Inoxydable. Charmeur. Belle voix constante. Tout va y passer. Tout y passe. Certes, il s’agit sur le papier d’un hommage à Nat King Cole, étrangement moderne sur quelques thèmes. Mais chassez le naturel et George revient vite au galop avec ses tubes, sa musique si simple et si aboutie. Etrange aisance : il lui suffit de plaquer un accord. Ses mains sont déjà retombées de sa guitare mais le Théâtre antique s’empare du tube au bond (« On Broadway ») et fabrique sa propre échappée.
Tous les deux ans (en moyenne), George Benson, né à Pittsburg il y a 70 ans, revient à Vienne. Balise plantée dans la mer sans laquelle une régate sombrerait dans l’ennui. Souriant, délassant. Sa prestation qui distrait et détend reste tout de même une prouesse de facilité et de rythme, et il est bien servi par ceux qui l’entourent : un quartet de vieux routards souvent partis sur les routes avec lui, dont Stanley Banks à la basse, Randy Waldman, pianiste chevronné qui ce cesse de courir de l’acoustique à l’électrique pour combler les désirs du maître, Thom Hall, son pendant, et surtout Michael O’Neill, guitariste incontournable, de Benson comme d’autres : profil à la Berlusconi, mise en plis incredible, il fait tout ce que Benson ne veut plus faire. Rodé. Emboîté. Derrière, faut-il le rappeler, la présence si particulière d’Oscar Seaton, son batteur, un des grands de cette édition du festival ; jeu millimétré, cymbales a minima, relances au plus juste, charpente sur lequel tous viennent s’appuyer.
Pour le final, comme toujours, Benson se retire, endosse une somptueuse chemise de soie blanche qui fleure bon l’après-concert… et revient. Dernier tour. Contrat rempli. A peu près la même chose qu’il y a deux ans. La « All Night Jazz » est déjà bien partie. À suivre : David Sanborn et Bob James d’une part et d’Erik Truffaz escorté des danseurs du Vuyani Dance Theater.