Chronique

Westbrook Trio

“Three Into Wonderfull”

Mike Westbrook (p), Kate Westbrook (voc, fl, th), Chris Biscoe (as, ss, cl)

Label / Distribution : Autoproduction

A l’occasion de la réédition de The Cortège pour son soixante-quinzième anniversaire, nous avions consacré un portrait au compositeur Mike Westbrook. C’est un autre anniversaire que marque la compilation “Three Into Wonderfull” [1] : le Westbrook Trio, élégante formation qui traverse toute la discographie prolifique de l’Anglais, célèbre trente ans de fidélité. Depuis 1983 et A Little Westbrook Music, on y retrouve Chris Biscoe aux anches et Kate Westbrook au chant et au saxhorn. C’est le cœur même de la musique de Westbrook, le socle immuable qui lui a permis d’édifier de plus larges formations.

Cette formule libère sa fluidité au piano, dont il joue de manière très parcimonieuse, en dessinant des atmosphères profondes. Son alter ego Chris Biscoe les colore d’un son plein et chaleureux, qui souligne idéalement la finesse des arrangements (« Wild Cyclamen North Of Rome »). Comme c’est souvent le cas dans la « famille » Westbrook, la musique s’appuie principalement sur les mots, quelle que soit leur origine. Le Westbrook Trio aime voyager en poésie ; celle-ci peut être anglaise comme « Apple Pie » (Adrian Mitchell) et se vêtir ainsi d’un tissu abstrait et ténébreux, ou tout aussi bien française lorsque le trio s’empare d’Arthur Rimbaud (« Enfance ») avec espièglerie. Théâtrale, Kate Westbrook donne vie aux textes et ses comparses lui répondent avec une spontanéité qui n’altère jamais la délicatesse et la subtilité du propos.

Cette compilation retrace trente ans de carrière en piochant dans les albums non réédités, en y ajoutant des inédits. On prend plaisir à discerner le lent tanin qui se depose au fil des ans sur le timbre de la voix, jusqu’à ce « Brazilian Love Songs » final, enregistré pour l’occasion. Une voix loin de correspondre aux canons actuels du jazz vocal, et on ne s’en plaindra pas - voir le « Good Old Wagon » de Bessie Smith. De même, on est ravi de découvrir « Traurig aber Falsch », long et sombre inédit de Bernhard Lassahn que le trio a enregistré en 1994.

L’amateur de Westbrook sera peut-être frustré face à cette sélection ; il aurait préféré une réédition des albums épuisés. En revanche, pour qui souhaiterait s’aventurer pour la première fois dans l’univers luxuriant de l’Anglais, “Three Into Wonderfull” est une luxueuse porte d’entrée.

par Franpi Barriaux // Publié le 14 janvier 2013

[1Entre guillemets car le jeu de mot est repris d’un article du Times à propos… du trio.