Chronique

Zlatko Kaučič Quintet

Morning Patches

Zlatko Kaučič (perc, objets), Michael Moore (as, cl), Marco Colonna (cl, bcl), Albert Cicera (ts), Silvia Bolognesi (b)

Label / Distribution : Fundacja Słuchaj

C’est à un moment rare que nous convient les Polonais de Sluchaj Fundacia qui s’impose parmi les jeunes labels européens qui défendent les musiques improvisées. Enregistré à Šmartno en Slovénie en 2018, Morning Patches témoigne des aventures d’un quintet des plus alléchants, imaginé par Zlatko Kaučič, régional de l’étape. On a déjà entendu le percussionniste avec Evan Parker ou Barry Guy, même si son centre de gravité se rapproche de l’Italie, notamment avec Giovanni Maier. Ici, son quintet compte trois musiciens transalpins, et pas des moindres  : dans « Svit », l’un des morceaux courts les plus intenses de ce concert, la clarinette basse de Marco Colonna de l’Improvising Experimental Machine lutte pied à pied avec les saxophones d’Albert Cicera et de Michael Moore.

Pour poursuivre la dynamique de cet orchestre, c’est la contrebasse de Silvia Bolognesi qui s’impose. Tout au long de l’album, elle est celle qui ordonne et enrobe les souffles et les frottements. Sur « Mlaj », elle met en perspective les stridences, leur ajoute du relief sans chercher à les apprivoiser. Elle donne corps aux multiples inventions de Kaučič qui, lui aussi, se démène pour offrir aux soufflants toute la liberté possible (« Jutrania », qui dessine un boulevard à la puissance tranquille de Moore). Bolognesi, quand elle est à l’archet, joue à cache-cache avec les percussions ; elle baguenaude, amusée, dans l’éventail de timbres qui se présente ici. C’est une caractéristique que l’on a déjà remarquée chez la contrebassiste, lorsqu’elle jouait en trio avec Tomeka Reid et Mazz Swift, il y a presque 10 ans. Une joie de jouer communicative et heureuse.

Dans l’église pleine d’écho où est enregistré Morning Patches, son jeu prend une dimension différente. Elle devient terrestre, séculière, quand le souffle de ses compagnons a quelque chose de plus angélique, voire de désincarné. Elle n’est pas seule dans ce rôle : Kaučič ne joue pas de la batterie ou simplement des percussions classiques, il joue littéralement de l’église, de ses pierres, de son mortier… Ca râcle, ça bat, ça ronronne en même temps que les micros jouent leur rôle. Il y a quelque chose d’un Deus Ex Machina dans cet étonnante rythmique. Un détour troublant qui donne à ce disque une atmosphère particulière.

par Franpi Barriaux // Publié le 10 mai 2020
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