Chronique

Disorder at The Border

Plays Ornette Coleman

Daniele D’Agaro (as, ts, cl, bcl), Giovanni Maier (b), Zlatko Kaučič (dms, perc)

Label / Distribution : Not Two Records

Repéré il y a quelques mois pour un concert enregistré pour le label du contrebassiste Giovanni Maier, Disorder At The Border, qui tire son nom d’un titre de Coleman Hawkins, propose sur le label polonais Not Two une nouvelle expression de son énergie live. Comme abondance de Coleman ne nuit jamais, ce n’est pas Hawkins qui est convoqué, mais Ornette ; un terrain de jeu où ces habitués de la scène improvisée européenne s’ébrouent avec une grande liberté et une confiance réciproque. Ainsi « The Garden of Souls », un morceau où la base rythmique italo-slovène composée de Maier et de Zlatko Kaučič s’élancent dans un face-à-face complexe où la contrebasse est plus sèche et nerveuse que jamais.

Pourtant, dans ce Plays Ornette, l’équilibre des forces a plutôt changé par rapport au précédent album où Maier prédominait. L’ensemble reste fort égalitaire ; en témoigne « New York », la longue introduction élégamment déconstruite, mais c’est le multianchiste Daniele D’Agaro qui est naturellement l’éclaireur de cette visite du patrimoine. Il passe toujours aussi aisément des saxophones (ici particulièrement l’alto où il se révèle très virulent) aux clarinettes dont l’usage a toujours été plus atmosphérique (« Him & Her », beau dialogue amoureux avec l’archet de la contrebasse).

Les choix des morceaux emprunté à l’imposante discographie d’Ornette Coleman ne sont pas anodins. Si l’on fait abstraction de « Mob Job », tiré du Song X avec Metheny où Kaučič et D’Agaro s’étrillent sans retenue, tout se concentre sur une période assez courte, entre 1966 et 1969, pas forcément celle que l’on cite spontanément. On notera également que « Faithful », sans doute le sommet de ce disque où chaque titre est exploré avec une grande minutie, est le seul que Coleman enregistra en trio (avec son fils Denardo, sur Empty Foxhole). « This Is Our Music ! », affirme crânement Disorder At The Border. On ne peut pas le contredire, tant cette belle capitation est fluide et naturelle. L’occasion de découvrir ce trio en terrain familier, dans des conditions idéales.