Chronique

Alessandro Lanzoni

Seldom

Alessandro Lanzoni (p), Ralf Alessi (tp), Matteo Bortone (b), Enrico Morello (dms)

Label / Distribution : CamJazz/Harmonia Mundi

Précoce prodige de la scène jazz italienne, Alessandro Lanzoni a déjà, à 22 ans, une importante discographie, principalement en leader. Certes, la valeur n’attend pas le nombre des années, et à 15 ans le Florentin enregistrait déjà un album en duo avec Lee Konitz ; mais le temps lui a apporté une maturité rare pour son âge, ainsi qu’un toucher sûr et puissant qui ne cherche pas la virtuosité à tout prix.

Remarqué en France au sein du quartet New Blood d’Aldo Romano, le pianiste dirige un trio présentant d’autres facettes de la jeunesse dorée italienne. On y retrouve le contrebassiste Matteo Bortone et le batteur Enrico Morello. Si la renommée de ce dernier, membre du quartet d’Enrico Rava, n’a pas encore franchi les Alpes, Bortone, lui, est un familier des scènes françaises, tant au sein de son quartet Travelers, avec Antonin-Tri Hoang, qu’au côté d’Anne Pacéo. Dans cette formation fidèle au label CamJazz et à qui l’on doit déjà le remarqué Dark Flavour (2013), le contrebassiste apporte sa solidité et son soutien discret à un pianiste largement concerné par les tâches rythmiques. En atteste « Tri-Angle », belle discussion entre les deux solistes dans un climat apaisé, à peine éclairé par le doux cuivre d’une trompette.

Car pour Seldom, Lanzoni invite Ralph Alessi à joindre son goût pour les rythmes complexes à l’impétuosité du trio. Le trompettiste, compagnon régulier de Steve Coleman ou d’Uri Caine est également un habitué de CamJazz ; arrivé en studio sans avoir jamais joué avec les Italiens, il semble se fondre immédiatement dans l’atmosphère, s’offrant même des morceaux plus improvisés en duo avec le pianiste ; ceux-ci témoignent d’une complicité immédiate, entre chambrisme recueilli (« Horizonte ») et impétuosité soudaine - non dénuée d’un certain humour (« Blue Tale »). Présent sur la plupart des morceaux, Alessi souligne surtout la limpidité de l’écriture de Lanzoni, auquel il répond par des phrases simples et chaleureuses. Ainsi sur l’inaugural « Wine And Blood », le piano se construit en contrepoint d’une mélodie fluide et pleine de poésie jouée par Alessi, comme une synthèse du propos général en quelques souffles de trompette. Une impression qui perdure sur le tonitruant « Composition », unique pièce où le trio se retrouve seul.

Sans Alessi, la musique de Lanzoni se fait plus fulminante, et renoue avec la pénombre évoquée sur le premier album. Le martèlement de la main gauche qui surgit d’un brouillard de cymbales et d’archet pour troubler le silence avant de se lancer dans un groove élégant révèle la grande maîtrise de ce jeune orchestre qui a encore beaucoup à dire. A découvrir sans attendre.