Chronique

Gaël Horellou

Synthesis

Gaël Horellou (comp, as, ss, machines), David Patrois (vib), Géraud Portal (b), Antoine Paganotti (dms).

Label / Distribution : DTC / Harmonia Mundi

A en juger par sa discographie abondante (une bonne dizaine d’albums en cinq ans), on peut sans risque d’erreur qualifier le saxophoniste Gaël Horellou de musicien prolifique. La seule année 2014 avait été l’occasion pour lui d’un triple rendez-vous, notamment l’excellent Roy en trio avec Frédéric Nardin à l’orgue et Antoine Paganotti à la batterie ; et c’est au printemps 2015 qu’a vu le jour Synthesis dont le climat paraît très éloigné de l’esthétique bop de son prédécesseur. Autant Roy fleurait bon la transpiration et l’ambiance surchauffée d’un petit club de jazz à l’ancienne, autant il faudrait plutôt parler cette fois de space jazz, dans le droit fil d’Explorations, disque remontant à 2006.

Gaël Horellou, compositeur de l’ensemble du répertoire interprété live à La Rodia (Besançon), se présente ici en quartet, armé non seulement de ses saxophones alto et soprano mais aussi de machines qui propulsent la musique dans un vaste espace où s’entrecroisent des influences multiples, allant du jazz à l’électro en passant par la musique sérielle. Autant de sources dont le brassage parvient à susciter un réel envoûtement : il y a pour tout dire quelque chose de planant dans cette synthèse qui fait souvent appel aux effets, boucles et autres samples concoctés sur ordinateur. Ce disque est à la fois une expérimentation et un grand voyage qui n’est pas sans en évoquer d’autres, plus anciens, du côté de la Californie à la fin des années 60. Mais avec une dimension à l’évidence plus spirituelle que chimique…

Et si le fidèle Antoine Paganotti - batteur dont on ne souligne pas assez la richesse d’un jeu certainement nourri par quelques années passées au sein de Magma - est toujours présent, c’est un autre compagnon de route du saxophoniste qui officie à la contrebasse en la personne de Géraud Portal. Admirateur comme tant d’autres de John Coltrane, Portal ne pouvait que se sentir à l’aise au sein d’une formation qui tente et réussit le pari d’une fusion finalement pas si éloignée des élans mystiques de Pharoah Sanders ou Alice Coltrane. Les textures sont certes différentes, mais l’esprit en est voisin. Surtout, la très bonne idée de Gaël Horellou est de s’être adjoint les services de David Patrois. Car, outre le grand talent du vibraphoniste, l’inclusion des sonorités métalliques et persistantes de son instrument vient compléter à merveille le son d’ensemble et lui conférer une dimension encore plus spatiale.

Tout au long de Synthesis et de ses compositions aux titres chargés de mystère, parfois en référence à de célèbres énigmes (« Cité engloutie », « Atlantis », « Secret Stone », « Constellation », « Hypnosis »), le quartet parvient à maintenir sa musique dans un état d’élévation continue qui fait la réussite de ce disque d’une grande concision. Le bavardage n’est pas de mise, les chorus sont rares et de courte durée ; c’est avant tout un groupe qui est en action et cherche à projeter en l’air des thèmes aux intonations majestueuses qu’il va ensuite prendre le temps de déployer dans l’espace avant de les répéter jusqu’à l’ivresse.

On en ressort un peu étourdi, comme émerveillé par une succession de beautés fugitives qu’on a seulement eu le temps d’entrevoir avant leur évanouissement. Alors, forcément, on a envie d’y retourner !