Chronique

KS2 - Cédric Hanriot & Franck Agulhon

Day

Cédric Hanriot (p, synth, kb, vocoder), Franck Agulhon (dms, perc).

Label / Distribution : Re:Jazz / Inouïe

Ces deux-là se connaissent bien, et depuis longtemps. Souvenons-nous par exemple du disque Electrify My Soul du groupe FrogNstein emmené par le pianiste Cédric Hanriot : on retrouvait à son générique un certain Franck Agulhon, batteur dont on a pu apprécier l’activité intense au cours de la décennie passée. Deux musiciens qui ont suivi des parcours distincts avant de se retrouver pour un exercice en duo qui voit aujourd’hui le jour chez Re:Jazz.

Depuis l’époque FrogNstein, Cédric Hanriot est allé s’aguerrir du côté du Berklee College of Music. Il en est revenu notamment avec l’album French Stories paru en 2011, entouré de quelques célébrités US, telles que John Patitucci et Terry Lyne Carrington. Tout récemment, ce natif de Lorraine est venu se produire à Metz, retrouvant son complice batracien Bertrand Beruard pour un projet musical et multimédia nommé Polaroid Songs faisant appel aux images projetées et à un quatuor à cordes. Quant à Franck Agulhon, il est devenu l’un des batteurs les plus recherchés de la scène jazz française, puisqu’on a pu le voir évoluer aux côtés de Pierrick Pédron, Pierre de Bethmann ou encore Éric Legnini. Agulhon se produit seul aussi parfois, dans le cadre de ses Solisticks et il a publié récemment une méthode de batterie, matérialisant ainsi sa volonté de transmettre, qu’il assouvit régulièrement du côté de la Music Academy International de Nancy.

Voici donc ces deux amis réunis sous le nom de KS2 : K pour Keyboards (les claviers), S pour Sticks (les baguettes) et 2 pour… le duo ! Et un album intitulé Day qui se présente comme un voyage au fil d’une journée, avec différentes pauses ménagées à des moments particuliers, y compris celui de la vie de famille. Cédric Hanriot est au piano, bien sûr, mais aussi au synthétiseur basse, aux effets sonores, à l’ordinateur et au vocoder. On peut lui attribuer le rôle d’agenceur (ou designer) sonore. Franck Agulhon lui, est à la batterie, un instrument qu’il complète par différents accessoires pour en enrichir la sonorité.

KS2 évolue aux confins du jazz, de l’électro ou de l’ambient, en déclinant sur ce disque sa musique en neuf propositions assez courtes. La meilleure façon de cheminer sans encombre avec le duo est de se laisser porter par son flux sonore très vite hypnotique, dans un balancement exempt de toute agressivité, à peine troublé par divers effets en provenance des claviers. On goûte volontiers cette alliance à la fois charnelle et « machinique » (où le synthétiseur basse joue un rôle essentiel). Il y a de plus chez Hanriot et Agulhon un désir de contemplation – c’est là sans doute leur part d’humanité – qui se traduit par un recours à des images suggérées et parfois inscrites dans les titres des compositions : celle du matin, d’un coucher de soleil ou de la lune.

Au bout du compte, on s’aperçoit que ce qui aurait pu n’être qu’une confrontation amicale va au-delà de l’exercice de style imposé par l’instrumentarium en action. C’est un double chant qui se fait entendre, où les peaux de Franck Agulhon ne sont pas les dernières à donner de la voix. Quant à Cédric Hanriot, il lui est difficile de ne pas céder à la tentation qu’on lui connaît : après l’exposition rapide d’un thème, après la mise en place d’une atmosphère, c’est son besoin irrépressible de sortir du cadre et de marteler dès que possible son piano qui reprend le dessus. Chassez le naturel… Et pour tout dire, c’est bien ce qu’on préfère chez lui, ce côté indiscipliné qui fait le sel de sa musique, ici mise en lumière par le franc sourire de son complice batteur.