Minuit 10

Les enfants de l’amour

Thibaud Rouvière (g, voc), Matis Regnault (b, voc), Etienne Rouvière (dms, voc), Sylvain Rouvière (g, voc)

Distribution / Label : Etincelles Productions

Si le groupe a commencé à se produire sur scène dès 2011, cela fait une paire d’années que le Minuit 10 se forge une réputation scénique sans pareille. Issu des rangs de l’Institut Musical de Formation Professionnelle à Salon-de-Provence, ce quartet s’impose dans l’univers du jazz et des musiques improvisées par la grâce et la puissance de ses propositions musicales.

Des nappes de guitare délicates comme un coulis de framboise sur le plus délicieux des tiramisus et, d’un seul coup, une rythmique percutante qui bouscule les papilles. Telle est la base de la recette que concocte Minuit 10 sur son premier album.

Un zeste de chant grégorien et une guitare acoustique sur des effets électroniques, avec de nettes influences méditerranéennes, jamais caricaturales mais bien universelles. Avec un je-ne-sais-quoi d’épique. Il y a comme du troubadour dans cette musique qui raconte des histoires sans pareille.

Est-ce vraiment du jazz ? Dans tous les cas, le découpage ciselé donne à voyager et la virtuosité des musiciens, tant dans le jeu d’ensemble que dans les parties solos reste de mise. Les chorus de guitare, souvent dévolus à Thibaud Rouvière, sont trempés dans un univers jazz-rock nanti d’un profond sens du blues, référence à Mike Stern oblige. Le jeu de son frère Étienne se distingue par des arpèges sensibles qui bousculent le corps et l’esprit. Des stridences paradoxalement joyeuses parsèment les compositions originales.

Dans ces ravages de l’instinct, la talentueuse jeune (mais est-ce besoin de réitérer cet adjectif ?) pianiste Nina Gat s’immisce le temps d’une valse à l’entame « billevansienne » sur une rythmique formidablement émancipatrice de Matis Regnaud et Etienne Rouvière respectivement bassiste et batteur.

Ça chante : les parties vocales sont empreintes d’une préciosité rappelant le chant séfarade et, si paroles il y a, elles sont sur ce parfumé « La rosa enfleroce », hymne printanier sublime. Nombre de titres sont des invitations à la danse, comme autant de rituels post-apocalyptiques, tel ce « Passé sous silence », empruntant autant au dub qu’à l’univers jazz psychédélique d’Eberhard Weber. En même temps, une balade déchirante vient fendre le cœur, agrémentée d’une trompette au naturel sans faille (étincelant featuring de Louis Genoud sur « Sérénade sous un balcon vide »).

Le disque est bien cette explosion sensorielle attendue, au service d’un propos mythologique, élaboré dans une démarche à la fois modeste et ambitieuse.

P.-S. :

Avec : Morgane Cadre (voc), Nina Gat (p), Louis Genoud (tp)

par Laurent Dussutour // Publié le 28 juillet 2019