Chronique

Pulcinella

Travesti

F. Doumerc (saxes, métallophone, fl), F. Demonsant (acc), J.-M. Serpin (b, métallophone), F. Cavallin (dms, glockenspiel), M. Fossier (voc, 4)

Label / Distribution : Enja Records

Après avoir posé ses valises du côté de Nantes, chez Yolk [1], et à Budapest, chez BMC pour un échange avec cette jeune scène hongroise qui lui ressemble vraiment [2], le petit cirque iconoclaste de Pulcinella poursuit son voyage à travers champs musicaux pour sillonner l’Europe du jazz. C’est en Allemagne, chez Enja, que ce quartet toulousain a dernièrement dressé le chapiteau de Travesti, un nouvel album plein d’énergie et de surprises.

Dès « Médiation », qui s’ouvre dans des éclats de voix mal définis, on retrouve avec plaisir le tonitruant saxophone basse de Ferdinand Doumerc [3]. Avec l’accordéoniste Florian Demonsant qui transporte Pulcinella de Balkans en Toscane, il construit des atmosphères chaleureuses et festives qui font songer à une fin de nuit d’été sur une place de village éclairé de lampions (le baloche de guingois de « Maladroite »). Avec sa gouaille délurée, Polichinelle est devenu, dans les mains du quartet, une marionnette occitane aux vêtements colorés. On déniche cependant, dans la musique de Pulcinella, une humeur vagabonde et mélancolique qui puise son inspiration dans l’errance. Elle se retrouve dans la douceur infantile de « Train ukrainien », façonnée par la voix de Mélanie Fossier. Cette plage onirique, où l’on découvre l’appétence de Pulcinella pour les abstractions contemporaines, est un moment ouaté au centre de l’album qui césure joliment ce voyage fait de danses enfiévrées.

Le goût affirmé pour le voyage et la rencontre n’est pas le seul moteur explosif de cet orchestre fureteur ; on perçoit partout un enthousiasme qui ne tranche pas entre approche populaire et colorée et fougue teintée de free. Cette approche facétieuse rappellera la Campagnie des Musiques à Ouïr ; ainsi, « Titus Polo » commence par une java ivre, un peu folle et légère, avant de s’effilocher en flammèches abstraites dans les soufflets de Demonsant…

A l’instar de la relation entre l’accordéon et le son écorché de Doumerc, la base rythmique très puissante, composée du batteur Frédéric Cavallin et du bassiste Jean-Marc Serpin, donne à Pulcinella son charmant côté frondeur. Si Demonsant ouvre « Vox Populi » avec nostalgie, celle-ci est vite rattrapée par une surenchère rythmique. Les ostinatos boutefeux du saxophoniste et du contrebassiste portent ensemble le fer d’un binaire martelé. Très vite, l’accordéoniste mêlera sa voix à ce déhanchement pour retrouver l’univers fantasque et festif qui traverse tout l’album comme on raconte une très plaisante histoire. De celles qu’on aime entendre plusieurs fois.