Chronique

WEI3

Kaliko

Jarry Singla (p, cla), Maciej Garbowski (b, elec), Peter Orins (dms, elec)

Label / Distribution : Circum Disc

La rencontre entre Peter Orins et Maciej Garbowski n’est pas nouvelle. Elle date d’un double quartet entre le contrebassiste et le guitariste Ivann Cruz où apparaissait le batteur. C’était également la première apparition de Garbowski sur le label Circum Disc, qui accueille Kaliko dans une démarche résolument européenne. Car entre le Lillois à la surface de jeu si large, du free le plus exigeant à un modernisme fort pointilliste, et le classicisme élégant du Polonais s’intercale Jarry Singla, pianiste allemand profond et disert. Europe ouverte aux frontières et aux identités multiples : Orins a des racines scandinaves et Singla est marqué jusque dans son phrasé par ses origines indiennes (« Samosa », dont les polyrythmies complexes sont accompagné par un harmonium au timbre étrange).

Néanmoins, l’exotisme n’est pas le sujet central du trio WEI3 qui travaille les climats et les couleurs plutôt que les détails. « Okonana » est une ritournelle ingénue et détachée où la main gauche de Singla vient sangler avec autorité le jeu très rond de Garbowski. Le pianiste, qu’on a pu entendre avec Julian Argüelles ou Christian Ramond mène les débats, mais il n’aime rien de mieux que de se laisser submerger par ses compagnons. Pourtant, il arrive que le piano se complaise en des cascades rythmiques occupant soudain toute la place. Ainsi, « Das ist doch kein Zustand », fait fougueusement songer à ce que Stefan Orins propose en trio avec son frère. La base rythmique de WEI3 ne s’en laisse cependant pas compter. Elle n’hésite pas à recourir à l’électronique pour éroder peu à peu les prises de parole du clavier et instiller un climat étrange (« Series », où Singla se plaît à fouiller les entrailles de son piano à la recherche d’un tintement entêtant).

On n’en attend pas moins de Peter Orins, qui est l’artisan discret de Kaliko. En quelques semaines, le coloriste percussionniste peut passer de l’immédiateté complexe de Trouble Kaze à ces compositions faussement simples qui génèrent de nombreuses images. Le point commun de tout ceci, c’est l’élan collectif qui nourrit les musiciens. Un trait familier aux productions de Muzzix qu’on retrouve ici dans une option moins radicale qu’à l’accoutumée, mais tout aussi plaisante.