Chronique

Camarasa / Paris

Piscine Olympique

Xavier Camarasa (Rhodes, fx), Laurent Paris (dms)

Label / Distribution : Gigantonium

La Piscine Olympique est, pour beaucoup, symbole de mauvais souvenirs. Les moments ingrats adolescents où l’on paraît en maillot, les maîtres-nageurs revêches et peroxydés qui jouent de la perche et du mannequin avec un manifeste plaisir sadique et les cris multipliés par l’eau et les acoustiques déplorables des complexes municipaux, aptes à fournir d’autres complexes, plus intimes. Nul ne sait quelles furent les expériences de Xavier Camarasa et Laurent Paris dans leurs cours d’EPS respectifs, mais force est de constater, dans « Le Saut de l’ange », qui ouvre l’album fait d’origami, que l’onde de ladite piscine est sacrément remuante. Et que le saut en question tient davantage de la bombe et de son plat assuré que de l’entrée gracile d’un plongeur artistique. Armé de son Rhodes, Camarasa éclabousse à tout va. Il n’en faut pas plus à Paris pour entrer en résonance. Ce qui suit est un chaos d’une dizaine de minutes qui vous roule comme une vague : intense, incontrôlable et aussi brut qu’un bouillon chloré au petit matin.

Le son est dense et puise les profondeurs, le clavier de Camarasa est perclus d’effets qui nous plongent dans un univers inhospitalier… Et pourtant. Pourtant, comme lorsqu’on plonge pour la première fois, le choc est rude mais il est difficile d’en sortir. « Chlore », qui s’offre juste après les éclaboussures originelles, est un instant tout en retenue qui tranche avec les secondes précédentes. L’échange entre le claviériste et le batteur se construit autour d’un léger larsen bourdonnant, que la batterie sculpte tout doucement tandis qu’il est progressivement altéré par les effets électriques de Camarasa. Nous sommes dans une abstraction où il est particulièrement agréable de perdre pied, de se laisser flotter ; « Serviette éponge », plus loin, fera perdurer cette impression, avec un jeu chaleureux du Rhodes que Paris vient doucement ponctuer, comme pour lui donner une souplesse supplémentaire, comme un soulagement, un réconfort après les tensions alentour.

Car il est radical, ce plongeon en duo dans les abysses de l’improvisation. Enregistré Chez Lily à Germ, dans le Sud-ouest cher au batteur à la fin de l’année 2019, Piscine Olympique offre une facette où l’énergie rock n’est finalement jamais très loin, à l’instar d’un « Pédiluve » assez farouche et brûlant qu’on imagine sans mal grouillant de germes hostiles ravis à l’idée de devenir verrues. C’est une dimension assez nouvelle dans la discographie des deux protagonistes, qu’on avait pu entendre il y a quelques années avec Agafia pour Paris et le MilesDavisQuintet ! pour Camarasa. C’est quoi qu’il en soit une alchimie très réussie que nous offre le label Gigantonium. Enfin une relation à la piscine qui laisse autre chose que de l’eau dans les oreilles !

par Franpi Barriaux // Publié le 14 février 2021
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