Tribune

Carnet de bord : Rhizottome au Japon - 1

Rhizottome en résidence à Kyoto


Photo © F. Barriaux

Une chose est sûre au premier réveil : l’essentiel du disque avec lequel nous voulons revenir ne sera pas enregistré en studio aseptisé. Les temples, les maisons, les lieux de concert mais surtout, ce matin, la nature aux abords de la villa Kujoyama, les étranges cris métalliques des cigales et autres oiseaux au chant mystérieux feront partie intégrante du témoignage.

Après un départ de Rouen puis une escale en Corée où les concerts furent différents mais avec une même qualité d’écoute, l’ambiance du lieu kyotoïte que cette résidence nous offre est d’emblée posée. Nous voici à la lisière de la ville, ce qui n’est pas si courant ici - une ville de haute culture aussi ancienne que créative où nous avons joué à plusieurs reprises ces dernières années. Quel meilleur endroit pour une résidence nommée « Enraciner / Déraciner », suite logique du travail de Rhizottome ? Regarder des deux côtés, en avant et en arrière, balayer si nécessaire, et traverser.

Villa Kuyojama photo Matthieu Metzger

Nous nous déplacerons et nous relaierons durant quatre mois, mais le voyage décrit dans ce modeste carnet sera sûrement plus intérieur qu’exotique. Puisque nous ne sommes résolument pas d’ici, le Japon est d’abord un miroir dans lequel nous comprenons de loin cette vieille Europe, des plus fragiles en ce moment.

Le duo faisait danser au Portugal début août pour le Festival Andanças. Ensuite, du Poitou au Japon en passant par la Normandie, Paris, la Corée et un saut de puce à Shanghaï, le voyage avant d’arriver ici fut déjà un moyen de saisir la chance que nous avons d’avoir grandi dans un espace commun aux frontières minimes. Pour peu que l’on ne tente pas de reconstruire des murs physiques et mentaux là même où, quelques décennies plus tôt, d’autres, dont on réclame, tentaient de les contenir.

Si les fantômes sont avec nous - ceux qui rôdent dans la forêt et autour de la villa, paraît-il -, nous reviendrons donc avec un album, ainsi qu’un spectacle avec une joyeuse équipe nippo-française « pluridisciplinaire », comme on dit dans les ministères. Et d’impérissables souvenirs d’échanges et de concerts avec Ryotaro, Akito, Reiko, Tokiko, Kakushin, Matsuken... raisons déjà suffisantes d’être revenus ici, et moteurs de tout ce qui va suivre...