
Carol Robinson - Serge Teyssot-Gay
Stop Killing Us
Carol Robinson (clb), Serge Teyssot-Gay (elg).
Label / Distribution : Auto Productions
Clarinettiste et compositrice franco-américaine, Carol Robinson a fait siens les territoires de la musique contemporaine, interprétant les œuvres de Giacinto Scelsi, Luigi Nono entre autres avec une prédilection pour les compositions mêlant l’électronique à son instrument. En cela, son travail auprès d’Éliane Radigue est certainement le plus notable, tant on peut percevoir chez les deux femmes un même souci de maîtriser la dimension physique du son pour en libérer les vertus contemplatives et méditatives.
La première pièce qui ouvre ce disque en est, à sa manière, le parfait prolongement. Aux côtés cette fois du guitariste Serge Teyssot-Gay qui de son côté, sur un versant toutefois plus brûlant, s’est depuis longtemps intéressé lui aussi aux états que libère le flux musical, la clarinettiste fait lever un chant mélancolique orné avec parcimonie par une guitare limpide. La puissante sérénité et la fragile force - deux noms et adjectifs qui s’associent ici avec contradiction mais justesse - qui se dégagent de cette plage savent capter l’émotion de l’auditeur d’autant mieux qu’elles ne cherchent pas à lui imposer un quelconque ressenti. Bien au contraire, par un usage en retenue du souffle, d’une ponctuation électrique méticuleuse et spatialisée, toute liberté est laissée pour s’abandonner, rendant les intentions d’autant plus efficaces que leurs effets ont été consentis.
Moins immédiatement sensibles, les deux pièces suivantes, avoisinant ou dépassant le quart d’heure, prennent également le temps de développer des paysages pastel d’une grande douceur. Sans méprise toutefois sur le propos tenu, les deux textes que récite Carol Robinson, par leur abstraction poétique, font planer une légère inquiétude qui crée une dissonance complémentaire aux sons produits .
Avec une maîtrise notable de la résonance sur un tempo fort lent, le guitariste habille l’espace en renouvelant ses propositions sans jamais basculer dans le narratif. En équilibre entre un colorisme qui peut aller jusqu’à un fauvisme saisissant sur la dernière plage et une tension en mouvement, il est le complément de sa partenaire sans en être le seul faire-valoir. Les rôles de deux musiciens changent en effet en permanence et c’est dans ces micro-modulations fonctionnelles que réside la force de ce duo. Douceur, expectative, saisissement, sont des états changeants qui traversent ce dialogue.