Chronique

Christiane Bopp Tenements of Clover

Least Bee

Christiane Bopp (tb, embouchures en rotation, diapasons, bol), Charlène Martin (voix), Romain Bercé (dms), Simon Bessaguet (cor)

Label / Distribution : Labelouïe

La tromboniste Christiane Bopp met en musique des poèmes de la poétesse américaine Emily Dickinson (1830-1886) à la tête de Tenements of Clover, un quartet atypique qui fait mouche. Ou plutôt l’abeille. Piochant dans des textes où il en est, en effet, à chaque fois question, elle réunit des personnalités de la scène pictavienne pour mettre en son ce petit insecte dont le mot anglais bee est similaire de be, le verbe être ; et les polysémies jaillissent à ce rapprochement.

C’est une des indications précieuses - et complémentaires à la musique - que propose le livret. Ici l’observation vient d’un extrait de l’ouvrage de Christine Savinel (universitaire spécialiste de littérature américaine), Emily Dickinson et la grammaire du secret. On trouve également les poèmes, présentés en version originale, traduits en français par la poétesse Valérie Rouzeau, qu’il est conseillé de lire au moment de l’écoute pour savourer les mots sertis de musique.

Cette succession de quatorze pièces est un petit théâtre où passent mille émotions exprimées avec mesure et qui coexistent avec des moyens pourtant limités. Une batterie : celle de Romain Bercé est un feu de broussailles qui crépite mais ne tient pas une ligne rythmique droite. Il choisit la ponctuation, les décalages et aussi, intelligemment, la discrétion. De même le duo des soufflants complété par le cor de Simon Bessaguet, au timbre si proche qu’ils finissent par se confondre, joue sur les proximités et quelques contrepoints surprenants.

Musique des limites, minimale là encore, (comme dans son solo Christiane Bopp fait aussi tourner les embouchures de son instrument), cette modération instrumentale met en exergue Charlène Martin. Vocaliste complète (elle a joué avec Claude Barthélémy, Andy Emler et son MégaOctet, le Circum Grand orchestra), elle fait sien le propos des poèmes. Sa voix suggestive, chaude et proche, mais aussi capable d’acrobaties virevoltantes, est autant récitante que chanteuse. Elle est dans la lumière mais n’accapare pas l’attention. Le quartet est avant tout un groupe et trouve la bonne distance. Il peut ainsi exprimer la douleur comme la tendresse, avec conviction et aussi humour, en suspendant le temps ou l’agitant avec vitalité. N’oublions pas que la course légère de l’abeille, si divertissante à suivre du regard, lui permet in fine de produire du miel.