

Cosmic Ear
Traces
Christer Bothén (bcl), Mats Gustafsson (ts), Goran Kajfeš (tp), Juan Romero (perc), Kansan Zetterberg (b)
Label / Distribution : We Jazz Records
Alors que l’on va commémorer en novembre les trente ans de son décès, on était en droit de s’attendre à davantage d’hommages ou de doux souvenirs de Don Cherry. Si un label comme HatHut (renommé Ezz-Thetics et uniquement en dématérialisé) a rempli son devoir en publiant des archives inédites du trompettiste avec Albert Ayler, il aura fallu attendre une initiative venue de Suède, où Cherry aura passé les trente dernières années de sa vie, pour qu’on vibre à nouveau de nos oreilles cosmiques. Cosmic Ear, c’est le nom du quintet initié par le multianchiste Christer Bothén, remarquable à la clarinette basse, qui fut l’un des collaborateurs favoris de Don Cherry dans ses années scandinaves [1]. Un quintet où la ligne de soufflant est alléchante, puisqu’aux côtés de Bothén, on trouve le saxophoniste Mats Gustafsson qui fait des miracles sur « Father & Son » écrit par le trompettiste Goran Kajfeš, chargé d’incarner le spectre de Cherry.
Le très beau « Love Train » est le seul morceau de Don Cherry sur ce disque, mais l’esthétique est là, omniprésente. Sur ce morceau, Bothén est au piano pour un blues qui mute peu à peu en une transe africaine que Juan Romero accompagne aux congas aux côtés du contrebassiste Kansan Zetterberg. Le lent mouvement circulaire est comme une danse rituelle où la trompette serait au centre d’une échauffourée avec Gustafsson. Quelques instants plus tard, avec « Right Here, Right Now », Bothén offre un très beau mouvement collectif, avec Zetterberg passé au n’goni. La clarinette basse est comme la colonne vertébrale de ce corps mouvant, au chaloupement entêtant.
Tout ici est pleinement consacré à la danse ; c’est même dans cette voie qu’intrinsèquement résident l’esprit de Don Cherry et l’élégance folle de cette musique. « Traces of Brown Rice », et son clin d’œil appuyé, permet à la clarinette contrebasse de Christer Bothén d’emmener Mats Gustafsson sur une ligne claire ; on connaît, au moins depuis le travail de son Fire Orchestra sur Action, sa passion pour Don Cherry. Elle brille ici de mille feux. Enregistré pour le label finnois We Jazz Records, Traces est un de ces albums qu’on aime à se repasser pour esquisser un sourire léger et quelques pas de danse. On pensera de loin en loin au Multikulti ensemble de Christian Calcagnile, preuve encore une fois que l’œuvre du Petit prince du free jazz [2] est toujours aussi inspirante.