Chronique

Erb, Mayas, Hemingway

Hour Music

Christoph Erb (ts, ss), Magda Mayas (p), Gerry Hemingway (dm, voc, fx).

Label / Distribution : Veto Records

Après les pièces, le temps. On était resté avec Bathing Music, il y a deux ans, dans une découverte de ce trio tannique qui réunissait Christoph Erb, Magda Mayas et Gerry Hemingway. Ce disque faisait suite à Dinner Music et conservait une certaine unité, tant le trio avait de choses en commun dans l’approche de la musique, foncièrement bruitiste, s’ouvrant aux expériences sonores avec une sensibilité exacerbée, Hemingway sachant prolonger les jeux de souffle et les sifflements d’anches du saxophoniste. Tout comme le jeu de Mayas qui anime la préparation de son piano comme s’il s’agissait d’un être de chair, doucement, avec moult précautions et une douceur qui contraste avec l’implication tranchante de son jeu. Hour Music, fruit de la troisième rencontre, est une œuvre live, marquée de plus d’urgence : enregistrée à Lucerne en septembre dernier, cette musique consiste en une plage unique dans laquelle les musiciens s’agencent avec des précautions ultimes, presque charnelles.

Nous disions de la précédente rencontre que Christoph Erb aimait se donner le temps, ce trio en est sans doute la plus belle expression ; il y a quelque chose de la patience du plasticien, tant et si bien qu’on serait tenté de rajouter un « s » à « Hour Music » : lorsque, dans le premier quart du morceau, le soprano sort d’une léthargie cotonneuse pour se mettre à accélérer imperceptiblement, la batterie, comme un cœur, se met elle-même à battre plus vite. Hour Music est un corps en marche, une exploration constante des paradoxes de l’éphémère, à l’image de la pochette où un sachet de thé refroidit en faisant fondre un glaçon. Un éloge de l’infime où brille tout particulièrement Magda Mayas.

Dans cette atmosphère fascinante où tout est sporadique et sauvage, le piano est souvent à la manœuvre. Les cordes étouffées, les frappes mates sont au centre des mutations de l’album, notamment dans le dernier tiers du morceau, lorsque le langage du soprano se fait plus articulé, et que le piano, soudain plus concertant, enveloppe d’une certaine langueur ce propos à fleur de peau. Hour Music est une musique du sensible, fragile comme une sensation fugace ; c’est ce qui en habille tout le mystère.

par Franpi Barriaux // Publié le 6 octobre 2024
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