Chronique

Insomnia Brass Band

Crooked Alligator

Almut Schlichting (bars), Anke Lucks (tb), Christian Marien (dm).

Label / Distribution : Tiger Moon Records

Lors de notre chronique du dernier disque d’Insomnia Brass Band, nous notions le plaisir régressif des brass bands de poche. L’impression de s’enfiler quelques bonbons acidulés à écouter le sax baryton d’Almut Schlichting découper les déhanchements habiles du trombone d’Anke Lucks. Le sentiment de se gaver de chocolat en assistant à la danse du batteur Christian Marien sur le si fluide « Little People » et sa mélodie toute en rondeur inventée par la tromboniste sur Crooked Alligator, leur nouvel album toujours paru chez Tiger Moon. À première vue, rien n’a changé dans la pétulante formule du trio allemand que l’on peut rapprocher chez nous de Journal Intime ou de la Campanie des Musiques à Ouïr, notamment cette capacité à puiser dans des racines populaires.

Ainsi « Traces of Summer » et sa rythmique agressive menée par Marien a de nombreux attraits d’une tradition de bayou, d’autant que les attaques de Schlichting sont particulièrement acérées. Le travail de la tromboniste Anke Lucks est ici très important, et l’on perçoit très vite qu’elle est capable de jouer dans tous les contextes et d’influer sur le cours des choses, comme elle l’a démontré en participant notamment il y a quelques années à Rotfront, un groupe allemand très populaire entre Hip Hop et Punk Rock. Notons qu’on retrouvait également, il a dix ans, les deux soufflantes de l’Insomnia dans un très intéressant nonet, Rusira Mixtett à la diversité sautillante. Lorsque l’orchestre va chercher davantage d’espace dans le très beau « Mountain In Motian », c’est le trombone qui introduit une forme de légèreté et de distance dans un morceau écrit par Christian Marien, qu’on connaît bien pour faire partie d’un autre trio, le I Am Three de Silke Eberhard.

L’Insomnia Brass Band continue à danser. Il n’a pas l’intention de terminer sa nuit, et gère ce qu’il faut d’adrénaline pour nous emmener avec lui. Ils sont trois, mais semblent capables de se démultiplier à l’envi. « Sunday Song » est à cette image, souple, dégingandé et gouailleur, avec un saxophone baryton volubile et volontiers grasseyant qui offre beaucoup de liberté au trombone. On suit encore le trio avec beaucoup de plaisir dans ces contrées nouvelles où l’on se sent comme chez soi.