
Kitamura, Reid, Ho Bynum, Morris
Geometry of Phenomena
Kyoko Kitamura (voc), Taylor Ho Bynum (tp, flh), Tomeka Reid (cello), Joe Morris (g).
Label / Distribution : Relative Pitch
Pour la géométrie dans l’espace, on ne pouvait pas faire sans la quatrième dimension. Après Geometry Of Trees et Geometry Of Caves, le quartet réuni autour de la vocaliste Kyoko Kitamura, proche d’Anthony Braxton, se retrouve donc pour Geometry Of Phenomena. Très vite, cette dimension en évoque une cinquième, tant le travail de timbres qui réunit la guitare de Joe Morris et le violoncelle de Tomeka Reid cherche l’étrange et le mouvement perpétuel dans une implication très forte. Ainsi « Encounter » est une bataille de l’urgence sur laquelle la voix de Kitamura semble flotter, oublieuse des remous et de la pression qu’intime le dernier membre du carré, le cornettiste Taylor Ho Bynum. La recette est connue, elle fait feu de tout bois mais se renouvelle au gré des aventures. Ici, le travail de Tomeka Reid, notamment dans l’usage étendu de son instrument, faisant du bois une base rythmique, est particulièrement remarquable.
Le gré du changement est d’abord à mettre au crédit de la voix de Kitamura. Non qu’elle ait modifié son approche, faite de timbres inventifs et de phonèmes inventés, mais à l’instar de « Between Wor(l)ds », entre l’archet de Reid et la litanie de Bynum, elle fait davantage parler son bagage lyrique dans une sonorité qui évoque les langues orientales. Il y a dans ce morceau, indéniablement le plus intense de l’album, un jeu qui tient de la fusion des membres du quartet. L’archet et la guitare notamment ne font très vite qu’un au cœur même de la voix parfois puissante. Le résultat est un sentiment inaltéré de mouvement que Taylor Ho Bynum accompagne comme s’il en était le carburant. Le morceau est bondissant, pas au sens espiègle, mais dans l’idée qu’il ne connaît pas de trêve, même quand il semble se limiter à un dialogue entre violoncelle et cornet sous le souffle impavide de Kitamura.
Il y a dans ce Geometry Of Phenomena quelque chose du fait magique, du royaume de l’étrangeté. La poésie de ces rencontres à quatre est toujours aussi forte, mais ce qui se joue ici, c’est la stricte métonymie des expressions des improvisateurs, qui dialoguent ensemble avec une simplicité et un naturel absolument limpide. Nous ne savons pas encore quelle géométrie particulière sera convoqué la prochaine fois, mais nous l’attendons déjà avec impatience.