Scènes

Les Chansons politiques de Laurent Dehors

Laurent Dehors s’est déjà aventuré au cœur des grands opéras et de la musique populaire. Pour cette création, il s’approprie des « chansons politiques » connues de tous avec Élise Caron.


Christelle Sery © Franpi Barriaux

Laurent Dehors s’est déjà aventuré au cœur du répertoire des grands opéras et de la musique populaire avec un enthousiasme débordant. Pour Chanson politique, création au Trianon Transatlantique, ce multianchiste invite quelques fidèles à explorer une nouvelle facette d’une démarche cohérente, qui consiste à exprimer dans son langage bien à lui des airs connus de tous, de « L’Internationale » à « SS in Uruguay ». La surprise du chef consistait en la présence, pour cette première, de la chanteuse Élise Caron.

Autant dire qu’à Sotteville-lès-Rouen, cité cheminote théâtre historique des luttes sociales, le thème du spectacle autant que la présence de ces deux musiciens rouennais ont vite rempli la salle. Dans ce répertoire, Élise Caron apparaît comme une évidence ; que ce soit dans la reprise du « Temps des cerises » - un duo plein d’émotion avec Matthew Bourne, ou dans une « Marseillaise » déconstruite digne d’un Schoenberg sous psychotropes, la chanteuse évolue avec naturel dans une atmosphère familière et son plaisir évident rejaillit sur l’ensemble de l’orchestre.

On songe, parfois, à ce qu’elle incarnait dans L’Argent d’Yves Robert ; l’apport, ici aussi, de Sylvain Thévenard à la console n’y est sans doute pas étranger. De toute évidence, le thème du concert fait aussi la joie de Laurent Dehors et de son habituel comparse Jean-Marc Quillet, dont on devine la forte empreinte sur les choix des chansons. Le maître de cérémonie se marre, vocifère une chanson peu ragoûtante de Michel Sardou sur fond de rock puissant, ou lance des quiz à un public vite conquis.

Dans une configuration voisine d’Une petite histoire de l’opéra, sa formation sans batterie accueille une guitariste qui fait forte impression. Également chanteuse, Christelle Séry (vue notamment auprès de Sylvaine Hélary) vient de la musique contemporaine et apporte une énergie indéniable, avec un jeu de pédales et d’électronique méticuleux. Le lien qu’elle trouve avec Gérald Chevillon, impressionnant de robustesse au saxophone basse, libère les autres musiciens des tâches rythmiques sans pour autant se cantonner à ce rôle : en témoignent les trouvailles de boucles infinies de « Bella ciao » et la grande sensibilité électrique de sa guitare. Car, comme toujours, il serait malhonnête de ne voir ici qu’un gigantesque éclat de rire. Ainsi, le « Serment de Lysistrata », tiré d’un texte d’Aristophane, met en lumière une écriture complexe et raffinée qui rappelle la grande malléabilité du sextet de Laurent Dehors. L’Animal politique sait donc aussi être musical…

Elise Caron © Franpi Barriaux