Chronique

Max Johnson

Hermit Music

Max Johnson (b)

Label / Distribution : Unbroken Sounds

À force de témoignages plus ou moins créatifs et brillants, voire fondateurs, d’artistes touchés par la pandémie et contraints de se réorganiser et de créer seuls, on en viendrait à oublier la triste réalité de bon nombre de musiciens. De la plupart des gens, puisque les confinements successifs ont d’abord été une douleur : beaucoup n’ont rien construit. Ont déprimé. N’arrivaient pas à se lever ou à toucher l’instrument. Dans un texte très franc qui accompagne son premier album solo, Hermit Music, le contrebassiste Max Johnson livre sa propre expérience. Celle d’un sale moment et d’une page vierge. Spécialiste du trio, étoile montante de la contrebasse, Max Johnson a vécu le premier confinement comme un coup d’arrêt. Le présent disque est une sorte de réponse, de reprise en main des cordes et de l’archet qui fut difficile selon son propre aveu.

Alors, quel est le résultat de ces mois d’errance ? Sans surprise, une grande introspection. Alors qu’il nous a habitués, notamment dans son récent trio, à un pizzicato qui va à l’essentiel, « Ghost Whistle » est une lente stase à l’archet, comme pour fouiller des démons intérieurs. On pense à Barre Phillips dans cette approche, mais Max Johnson parvient à trouver sa voie, et ce n’est pas sans lutter : on a le sentiment dans ce morceau, mais aussi dans le très beau « Glass Lungs », que le contrebassiste est en lutte avec son instrument. En quête de son point d’équilibre, en proie à un écho ténu de doutes et de colère ; et que ce sont les doigts, le rapport plus charnel à l’instrument qui vont l’aider à retrouver la lumière.

Il faut beaucoup de talent et de confiance pour parvenir à nous livrer crûment ce long processus. Et encore davantage pour que ces tourments parviennent à une poésie intimiste. C’est dans « Woodmere », dédié au luthier Ed Maday, que l’on trouve la clé de cette œuvre. Comme une réponse à « Hermit Music » qui nage en pleins limbes, le dernier morceau de l’album offre un pizzicato plus direct, comme la reprise en main d’un artiste qui recouvre pleinement sa voix. Max Johnson est un musicien dont on parlera de plus en plus en France dans les mois à venir, gageons-le. Car s’il a attiré l’attention de nombreux pays du nord de l’Europe, c’est surtout à New York que sa carrière s’est bâtie. Ce solo, au-delà de son histoire particulière, est une importante pièce d’un puzzle.

par Franpi Barriaux // Publié le 20 novembre 2022
P.-S. :