Chronique

Michael Bisio & Kirk Knuffke

For You I Don’t Want To Go

Michael Bisio (b), Kirk Knuffke (cnt)

Label / Distribution : NoBusiness Records

Une palissade et un jardin. Un endroit familier, on s’en doute, un endroit simple où il fait bon jouer. Voici le décor que nous proposent le contrebassiste Michael Bisio et le cornettiste Kirk Knuffke pour leur duo paru sur le label lituanien No Business. Un instant libre, sans cadre, unique comme la pièce qui donne son titre au disque, « For You I Don’t Wanna Go ». Un moment de complicité qui doit être mis en perspective avec Gravity Without Airs, leur dernier disque en trio avec Matthew Shipp. Longue discussion entre les deux amis, elle permet surtout de retrouver des formes de jeu qui caractérisent tant Bisio que Knuffke. Le contrebassiste notamment, dont le jeu en pizzicati est à la fois véloce et sans virtuosité excessive. On le sait, dans la plupart de ses interventions, Bisio est un apôtre de la simplicité. Lorsqu’il s’échappe avec son instrument, c’est pour créer des rythmiques, des courses sur les cordes qui ne sacrifient jamais la musicalité.

Le jeu de Knuffke, lui, est très ample. Il joue avec son compagnon d’une manière très étendue, notamment lorsque celui-ci a recours à l’archet. On l’a compris dans son interview : le rapport à son cornet est avant tout un rapport au chant ; justement lorsque Bisio est à l’archet, il y a comme une scansion différente, quelque chose qui tient de la romance. On avait noté dans le trio une approche très gracieuse de l’improvisation. Elle se confirme ici. Au-delà de l’écoute et de la complicité évidente, on perçoit chez les musiciens une volonté de douceur, une approche très caressante. Ainsi, lorsque Bisio revient au pizzicato, dans un ostinato léger comme l’air, c’est Knuffke qui change de registre et mène la petite mécanique subtile de la discussion. Sans jamais chercher à déstabiliser l’autre.

Ce n’est pas le premier duo de Kirk Knuffke et Michael Bisio. Il y a quelques années, on avait eu le plaisir d’entendre Row For William O. chez Relative Pitch (2016), qui avait quelque chose de plus tendu, de plus démonstratif. Ici, c’est avec décontraction et sympathie immédiate que nous pénétrons dans ce qui lie les deux artistes. Une belle histoire écrite par des musiciens qui comptent.

par Franpi Barriaux // Publié le 13 novembre 2022
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