Chronique

Michel Lambert

Ars Transmutatoria Bleu

Label / Distribution : Jazz From Rant

Après le rouge, le percussionniste Michel Lambert continue, à force de partitions colorées illustrant magnifiquement le disque, d’étudier les couleurs primaires. Voici le bleu, et les ambiances, tout comme l’orchestre, sont radicalement différentes. Bleu, c’est la mer, l’Atlantique et la Manche, et c’est peut-être pour ça que le line-up de cet Ars Transmutatoria Bleu, donc, est résolument britannique. C’est ainsi que sur « La Neige pointillée de bleu », on entend la trompette et la voix sépulcrale de Phil Minton. Il n’est pas le seul sujet de la couronne, puisqu’on retrouve presque naturellement John Edwards à la contrebasse, avec qui Lambert a entamé de nombreuses aventures, tout comme Steve Beresford qui donne du liant à un instrumentarium recherché où les percussions prédominent.

Non que le rythme soit au centre de cette œuvre qui emprunte à l’esthétique de la musique contemporaine, portée par une Jeannette Lambert qui use de la voix et des mots, souvent lointains, presque du babil, pour créer un atmosphère pleine d’étrangeté. Mais sur le bien nommé « Joueur de gong » où Beresford détermine la complexité des échanges, on entend un bel échange entre Lambert, maître des lieux qui accueille ses invités sur des tapis de cymbales, et le batteur Steve Noble auquel s’adjoint le vibraphone de Trevor Taylor, deux autres Anglais. Mais ce bleu a beau avoir été capté dans une église londonienne, des musiciens d’autres pays s’adjoignent, notamment la Coréenne Hyelim Kim, dont la flûte taegum est un ingénieux contrepoint aux voix (« Abysses Célestes »). On notera même la présence de locaux, comme la Canadienne Caroline Kraabel, saxophoniste et compositrice réputée pour son travail avec Susan Alcorn ou avec le GGRIL notamment.

C’est un attelage totalement différent que nous propose Michel Lambert, dont les recherches en couleurs offrent une richesse et une diversité qui s’accompagnent de ses très beaux dessins. On pourrait songer que le bleu est une couleur froide, à l’inverse d’un rouge très remuant. C’est une couleur profonde, dense, pleine de nuances. Ars Transmutatoria est une œuvre dont on attend beaucoup, de teinte en teinte. On guette la suite avec une grande impatience.

par Franpi Barriaux // Publié le 11 juillet 2021
P.-S. :

Michel Lambert (dms), Caroline Kraabel (ts, voc), Adrian Northover (ts), Susanna Ferrar (vln), Hyelim Kim (taegum), Jeannette Lambert (voc), Phil Minton (tp, voc) Trevor Taylor (vib), Steve Beresford (p), Veryan Weston (cla), Steve Noble (dms), John Edwards (b)