Incandescence, substantif féminin : état d’un corps qui, soumis à une très forte chaleur, émet un rayonnement lumineux. La définition pourrait suffire à cette chronique, car elle dit presque tout du premier disque ardent du nouvel orchestre de la flûtiste Sylvaine Hélary.
Less is more, on veut bien, mais on va développer, tant l’œuvre proposée par la future directrice de l’Orchestre National de Jazz laisse entrevoir de directions et d’envies. Non que nous ne les connaissions : depuis son trio papillonnant, c’était il y a treize ans, la musique de la flûtiste se caractérise par un amour des mots et des sons qui se nourrissent autant de la musique la plus sophistiquée et abstraite que d’une passion souterraine pour une pop exigeante qui bannirait le sucre. C’est le cas de « We Do Not Play On Graves », avec ses faux airs de funk que Guillaume Magne entretient comme un feu, au milieu des voix. On y reconnaît, outre Sylvaine Hélary elle-même, la divine Lynn Cassiers qui apporte beaucoup à l’atmosphère générale de cet album paru chez Yolk.
La chaleur est de mise dans l’orchestre incandescent, où l’équilibre chambriste entre les vents et les cordes est maintenu par le savant alliage entre la batterie de Jim Hart et les claviers immuables et fiévreux d’Antonin Rayon. « The Road Was Lit With Moon And Star » est l’occasion de retrouver Élodie Pasquier dans un rôle très proche de celui qu’elle tient dans l’ALE de Paul Jarret, tout comme Maëlle Desbrosses à côté d’elle. Dans l’emprise d’imaginaire que s’offre Sylvaine Hélary, les mots d’Emily Dickinson et ceux de PJ Harvey façonnent ce subtil équilibre que Cassiers habite résolument. Cette musique ne s’enferme pas, elle habille chaque texte d’une subtile écharpe de nuages, fourmille de détails et voyage dans le temps, à l’instar de « To Make A Prairie » qui interroge tout autant une esthétique baroque qu’un folklore imaginaire aux frontières fugaces. L’instrumentarium choisi revendique de pouvoir aller partout, sans chercher la posture, avec un naturel désarmant.
Rare Birds est un concentré de poésie, un vent de fin d’été, chaud et mélancolique. On s’y laisse porter avec une légèreté qui n’oublie pas une certaine gravité. Les oiseaux rares de Sylvaine Hélary planent dans sa musique tout entière, sans rien négliger, avec une certaine jubilation, à l’image des inclinations électro de « The Abandoned Village », point final d’une œuvre cohérente qui parvient à être à la fois éthérée et turbulente dans le même morceau. Un avant-goût souriant.