Déjà nimbé de son voile d’étrangeté avec son premier album, Organik Orkeztra, partagé entre Flandres et Pays Basque revient présenter Ritual, temps fort collectif à l’écriture bicéphale entre le pianiste nordiste Jérémie Ternoy et le chanteur de la compagnie Lagunarte, Kristof Hiriart. Ce dernier fait montre de tout son talent et de la puissance de sa voix dès « Traidorea », ouverture assez lyrique où tous les pupitres font montre d’une grande cohésion, à commencer par les soufflants : Sakina Abdou au saxophone, Christian Pruvost à la trompette et surtout Vianney Desplantes à l’euphonium qui illumine tout l’album ; il était au tuba dans Beraz, le voici avec un instrument très complémentaire de la trompette, ce qu’on entend avec beaucoup d’intérêt dans le très beau « Rituel 2 » qui donne à l’Organik Orkeztra sa raison d’être, un orchestre entre traditions et folklore imaginaire.
Chacun dans l’Organik jouit d’une grande liberté, bien équilibrée par la densité rythmique de Christophe Hache à la contrebasse et du relief incessant offert par l’accordéon de Didier Ithursarry (« Huts », où l’on retrouve avec bonheur le violoncelle de Julie Läderach). Cette liberté tient à chaque individualité de l’orchestre, au service du collectif : c’est le cas du guitariste Alexis Thérain, lui aussi remarquable dans « Rituel 2 » où l’orchestre lui offre l’occasion d’ouvrir de nouveaux horizons. C’est aussi le rôle de Maryline Pruvost sur « Begiak », contrepoint parfait et séraphin de la voix pleine d’Hiriart. Quant à Jérémie Ternoy, il accommode, il assaisonne toutes ces forces qui convergent et fait fi des contraires, ainsi qu’on l’entend dans « Rituel 1 » où son échange avec Christian Pruvost qui coalise tout l’orchestre est indéniablement le centre d’un album où tout est patiemment pesé.
Les rituels sont importants de nos jours dans les Grands Formats. Certes, ce Ritual est assez différent dans sa forme du dernier album de l’ONJ, mais l’on peut y voir certains traits d’union. Le rapport à la langue, au mot, au chant d’abord, ici en basque dans le très beau « Huts » ou avec un poème de William Blake (« Begiak »). Il y a dans cette communion agnostique quelque chose de la retrouvaille, du besoin de faire sens ensemble. On trouve même chez l’Organik Orkeztra, qui range son album dans une suite qui respecte les cycles de la Lune, quelque chose de foncièrement païen, une force des profondeurs qui rappellera que Ternoy a longtemps joué avec Magma. Ritual est un disque solaire, puissant, qui rappelle que cet orchestre à la diagonale de l’Hexagone n’a pas fini de nous surprendre. Un parfait et puissant compagnon pour l’été.