Chronique

Organik Orkeztra

Beraz

Label / Distribution : LagunArte

Le grand écart sur l’Hexagone. Lorsqu’on regarde le line-up de ce nouvel Organik Orkeztra et qu’on est un peu au fait des origines géographiques et des sphères d’influences des musiciens de ce dodécatet, on se dit qu’on ne pouvait pas faire plus éloigné : Lille où agissent les membres du collectif Zoone Libre, proche de Muzzix, comme le trompettiste Christian Pruvost ou la saxophoniste Sakina Abdou (on les compte tous deux dans l’orchestre Vazytouille) et le Pays Basque de la compagnie LagunArte, avec l’accordéoniste Didier Ithursarry (Kantuz) ou le guitariste Alexis Thérain. Si loin, si proche. On comprend à l’écoute du magnifique « Organik », véritable manifeste de ce beau grand format, qu’il ne s’agit ni d’une rencontre fortuite ni d’un désir de confrontation. Du Nord à l’Euskadi, s’il y a identité forte, elle est collective. Elle circule entre les pupitres par la grâce de l’accordéon et le lyrisme du vocaliste Kristof Hiriart, improvisateur dans la lignée de Beñat Achiary qui joue une sarabande avec la voix aérienne de Maryline Pruvost dans un mouvement constant.

Hiriart est, avec Jérémie Ternoy, chargé de la direction de ce projet. Il est sans frontière ni limite, à l’instar de ce que ces musiciens proposent au sein du quartet Contraccordiano, où l’on retrouve le contrebassiste Christophe Hache (habitué aux larges ensembles dans le Circum Grand Orchestra). On peut même dire, avec « Oiseau », qu’il y a comme une continuité qui n’est pas seulement un agrandissement de la palette des timbres. Organik peu même sembler plus léger… Notamment lorsque le chant se fait polyphonique et étrange pour s’immiscer dans les souffles mêlés de l’accordéon et de la section des vents où le tubiste Vianney Desplantes vient lester un peu le pas de danse (« Tikoki  »). Les architectes se livrent à un travail rythmique méticuleux où chacun s’acquitte d’un rôle précis. Avec le percussionniste Yoann Scheidt, aperçu dans Le Trio d’En Bas, l’Afrique est parfois même suggérée, mais sans nécessité de citation précise (« Miniature », où Ternoy s’offre avec Ithursarry une échappée très jazz).

C’est ce côté insaisissable qui fait le charme de l’Organik Orkeztra. Lorsque la section des cordes monte en première ligne, comme ce « Aiei 1 » où brillent l’alto de Chris Martineau et le violoncelle de Julie Läderach, cela pimente la musique de quelques épices balkaniques. C’est grâce à la volonté de ne jamais se laisser enfermer dans une case bien codifiée et de bousculer les genres par une vraie dynamique d’orchestre qu’on se laisse emporter par cette musique farouchement libre qui fait songer à l’esthétique du Liberation Music Orchestra. La précieuse mélodie de « Respire », sans doute la perle de Beraz, ressemble d’ailleurs à l’un de ces hymnes passionnés qui vous restent accrochés aux lèvres pendant des heures, en dépit des multiples tentatives de déconstruction des musiciens. En basque, Beraz signifie « par conséquent ». Et par conséquent, il serait bien dommage de se passer de la jubilation permanente de ce jeune big band qui ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin.

par Franpi Barriaux // Publié le 25 mars 2018
P.-S. :

Jérémie Ternoy (p, comp, dir), Kristof Hiriart (voc, comp, dir), Didier Ithursarry (acc), Chris Martineau (vla), Julie Läderach (cello), Alexis Thérain (g), Christophe Hache (b), Christian Pruvost (tp), Sakina Abdou (reeds), Vianney Desplantes (tu), Maryline Pruvost (voc, fl), Yoann Scheidt (perc)

https://www.lagunarte.org/fr/concerts/organik-orkeztra/