Chronique

Pierre de Bethmann Medium Ensemble

Volume 3 / Todhe Todhe

Pierre de Bethmann (p), Stéphane Guillaume (fl, ts), Sylvain Beuf (as), David El-Malek (ts), Thomas Savy (clb), Sylvain Gontard (tp, bugle), Denis Leloup (tb), David Patrois (vib, mar), Simon Tailleu (b), Karl Jannuska (dms).

Label / Distribution : Aléa

Avant tout, saluer la ténacité et la fidélité d’un musicien tel que Pierre de Bethmann. Car non content de multiplier les formations et les projets, il déploie une énergie assez folle pour prêter vie à un Medium Ensemble dont la stabilité du noyau dur est la meilleure garante de sa force. Au cours de la période récente – ce qui ne signifie pas que nous oublions pour autant les belles époques déjà lointaines de Prysm ou de l’Ilium – le pianiste compositeur a mis en lumière un trio au sein duquel s’illustrent le bassiste Sylvain Romano et le batteur Tony Rabeson, donnant naissance à deux Essais : Volume 1 (2015) et Volume 2 (2017). L’an passé, on découvrait avec l’album Shifters un quartet atypique célébrant le rythme et le travail sur des sons plus électriques qu’à l’accoutumée : Pierre-Alain Tocanier et Stéphane Édouard à la batterie, Laurent Coulondre et Pierre de Bethmann aux claviers. Une matière première abondante qui est venue s’ajouter aux richesses du Medium dont toutes les productions discographiques prennent la forme de volumes doubles, excusez du peu. Ce fut Sisyphe en 2014, Exo en 2016 et pour finir, un troisième chapitre au titre énigmatique, Todhe Todhe, histoire d’ouvrir le bal de l’année 2019 en fanfare.

Avec ce nouveau cru, Pierre de Bethmann resserre un peu les rangs, tout en conservant l’idée d’une formation ample et acoustique : exit cor, tuba et voix, entrée en piste du vibraphone et du marimba de David Patrois. C’est là une variation significative, comme un éclairage additionnel dans la texture sonore du groupe. Pour le reste, les fidèles sont au rendez-vous, pour investir avec une énergie constante leur rôle de solistes aussi bien que pour servir la cause d’un collectif puissant dont la chaleur est directement communicative. Les compositions, toutes signées par celui qu’on ose qualifier de chef de bande, reflètent avec l’acuité qu’on leur connaît depuis Sisyphe la personnalité exigeante du pianiste, entre écriture savante, pour ne pas dire complexe, arrangements luxuriants et grands espaces offerts aux chorus. Il ne saurait être question de distinguer ici un musicien plus qu’un autre, car c’est l’ensemble qui demeure la priorité. Même si, bien sûr, on ne peut manquer d’être captivé par les interventions noueuses de Thomas Savy à la clarinette basse, les envolées chaudes de Sylvain Beuf au saxophone alto ou de Stéphane Guillaume à la flûte et aux saxophone ténor, sans oublier les prises de parole aux accents mystiques de David El-Malek. Pierre de Bethmann quant à lui, poussé par cette addition d’énergies couplée à une rythmique aux couleurs chatoyantes (Simon Tailleu et Karl Jannuska), déploie un jeu rapide, virevoltant, celui peut-être d’une course-poursuite contre lui-même.

Todhe Todhe est un exemple supplémentaire de griserie musicale, la synthèse réussie de ce que peut donner à découvrir le jazz lorsqu’il est entre les mains de musiciens, pour accomplis qu’ils soient tous, ayant su garder en tête la nécessité d’une vibration profonde et de nature charnelle. Celle du cœur, bien sûr, mais aussi des tripes. Soit plus de 80 minutes de musique à consommer sans modération, surtout lorsqu’ils sont aussi festifs qu’une composition telle que « Amblitude » et ses élans évoquant une super fanfare !