Rosanna Gunnarsson - Karin Johansson

Quand on cherche un peu, on trouve des musicien·ne·s en Suède qui sont sensibles aux musiques des confins, comme dirait l’immarcescible Franpi. Et particulièrement chez certaines musiciennes, comme la pianiste Karin Johansson, déjà autrice du magnifique album choral ORD et du non moins séduisant duo avec Lisen Rylander Löve, Arter.

Avec ce projet – il s’agit plus d’un projet global de composition et recomposition que d’un duo classique de musique improvisée – elle retrouve le format à deux avec Rosanna Gunnarsson, une compositrice et chercheuse de sons.

Il y a une histoire à l’origine de ce disque. Le titre peut se traduire en français par « Dans les baies peu profondes, les fonds sont mous », et la raison est simple : le contenu est basé en partie sur des enregistrements sous-marins ainsi que sur ceux d’un piano qu’on plonge dans l’eau. Le tout est inspiré d’une nouvelle de Strindberg qui raconte l’histoire d’un piano jeté dans une baie.
Le matériel enregistré a ensuite été mixé puis, sur la base d’une partition graphique signée Gunnarsson, la pianiste a improvisé au piano préparé.
Le résultat est une belle partition qu’on entend et ressent liquide, qui illustre l’image d’une musique qui coule au sens propre.
Les courtes pièces s’enchaînent dans une sorte de narration, comme une plongée de plus en plus profonde, avec des sons de plus en plus sourds. Alors le piano préparé se fait plus coupant, plus métallique, comme les craquements d’un sous-marin. Puis les sons se mélangent et deviennent percussifs, sifflants, tintinnabulants… Il y a dans l’ensemble une grande lenteur solennelle qui évoque ces mammifères marins immenses et flottants, les chants des baleines et les mouvements de houle.

Un tel projet – qu’il vienne de Suède n’étonne que peu – est porteur d’une grande idée sur les musiques improvisées et autres expérimentations, celle qui associe aux sons des mouvements cinématiques.