ORD

Les bonnes nouvelles arrivent souvent sans qu’on s’y attende et la sortie de ce disque Hemligheter pa vägen pour la Journée mondiale de la poésie en est une excellente.

La pianiste Karin Johansson n’est pas une inconnue : son duo avec la saxophoniste Lisen Rylander Löve avait déjà fait parler d’elle. Ici, elle est à la tête d’un ensemble surprenant, ORD, dont la couleur aérienne et vibrante est le media idéal pour la poésie. Sans batterie, avec quatre instruments à vent (voix, trombone, saxophone ténor et clarinette basse) et un piano, parfois préparé, le quintet suédois propose une magnifique mise en musique de la poésie minimaliste de Tomas Tranströmer.
Sorti sur le label suédois Havtorn Records en 2022, ce premier disque place le groupe ORD en tête d’un contingent de musicien.ne.s improvisateur.trice.s qui, doucement et discrètement, se font connaître hors de Suède.

Les poèmes de Tranströmer sont chantés en suédois, mais cela ne fait rien car leur mise en mélodie, sur des arrangements aussi intelligents et chatoyants, remplace toutes les traductions. Il faut dire que la voix tantôt chuchotée, parlée ou posée sur un chant doux et précis, de Jenny Willén (également autrice de deux textes du disque) participe à cet universalisme de la poésie. A ses côtés également, le trombone de Niclas Rydh, les anches de Gunnel Samuelsson et la contrebasse de Hasse Westling viennent compléter l’orchestration.

Les arrangements ne servent pas uniquement le texte : de nombreux passages instrumentaux illustrent aussi la finesse de l’écriture de Johansson, l’usage savant des couleurs cuivrées et boisées avec un point d’équilibre situé sur le piano, mais sans en faire l’axe central. Beaucoup de cet univers intimiste et évanescent tient des silences et des interventions éthérées des musicien.ne.s qui savent rendre ce sentiment de flottement et de lumière tamisée. Les textes du Prix Nobel de Littérature Tomas Tranströmer (1931-2015) choisis pour ce disque évoquent tour à tour la nature, la lumière, le rêve et le sommeil, le regard et les reflets. Cela s’entend parfaitement. Tranströmer est une référence culturelle scandinave qui parle moins de ce côté du Rhin : c’est justement l’occasion de s’y plonger.

En plus de la magnifique musique, la pianiste évoque l’un des poèmes choisis, « Minnena ser mig » (Les souvenirs me regardent), en choisissant pour la pochette du disque une photo d’elle à l’âge de dix ans, espiègle et décidée.

L’album s’écoute en ligne et en CD et bientôt en vinyle. Sans nul doute un disque à écouter au moins une fois dans sa vie.