Rune Lohse

Batteur danois, membre notamment du dadaïste Horse Orchestra, Rune Lohse maîtrise l’art du contretemps - nécessaire il est vrai à la pratique de son instrument - puisque son quartet Accordion World ne compte aucun joueur de piano à bretelles parmi ses membres. Il n’empêche cette musique est aussi une musique à danser même si, là encore, les foldingues s’y retrouveront plus volontiers.

Organisés autour de la batterie broussailleuse du meneur, le saxophoniste suédois Lars-Göran Ulander (qui joue avec Palle Danielsson, Paal Nilssen-Love, Phil Minton, Marilyn Crispell) et le trompettiste danois Erik Kimestad Pedersen (membre également du Horse Orchestra et vu au côté du pianiste Jeppe Zeeberg) sont collés l’un à l’autre et s’emportent avec une volubilité cuivrée dans un discours free d’où s’échappent, au hasard des sons, des flammèches sauvages aux étincelles éclatantes. Pour embraser le tout, comme s’il y en avait besoin, le violon de Kuno Kjærbye est un axe autour duquel tout tourne. Rompu à la musique classique (particulièrement celle du XXe siècle) comme à celle de l’improvisation, il s’immisce dans un vertige incessant entre les propositions de ses partenaires et élève plus encore une pratique sonore qui ne semble pas connaître de centre de gravité (il n’y a, en effet, pas de basse).

Il en résulte un répertoire en perpétuel mouvement qui cherche, et parvient, à s’échauffer dans le paroxysme. Tendus comme un arc, les quatre membres portent loin les flèches brûlantes qu’ils décochent dans un esprit collectif d’une ouverture totale mais d’où chacun peut s’échapper à tout moment. Ils peuvent également jouer de patience pour faire monter une tension supplémentaire ou, au contraire, étirer des séquences ténues, qu’ils travaillent avec nervosité. L’absence de partie basse (si ce n’est la grosse caisse de la batterie), encore une fois, apporte une mobilité supplémentaire et une dextérité notable à ce quartet fulgurant.