Chronique

Roscoe Mitchell Trio

Angel City

Roscoe Mitchell (saxs, flûtes, objets), James Fei (saxs, clars), William Winant (perc)

Label / Distribution : Rogue Art

Angel City consiste en une seule pièce de 55 mn 12 s composée par le saxophoniste Roscoe Mitchell, 75 ans en août prochain. Ça prend au début et ça ne vous quitte plus jusqu’à la fin de cette ville angélique. Avec ce musicien-là, on est obligé de donner dans le spatio-temporel, pas celui de Spock mais plutôt d’un point de vue humaniste.

Car dans la vie musicale de Roscoe Mitchell, il y a le son, l’espace et le temps. La grande question est de savoir comment combiner tout cela. Et comme le rappellent les notes de pochette de ce disque paru chez Rogue Art (on ne dira jamais assez le fabuleux travail de ce label), cela fait 50 ans que cela dure. Le vénérable reprend donc ici son travail, toujours neuf, toujours novateur.

Ça commence par quelques cloches, sifflets et diverses percussions entrecoupées de silences pendant lesquels l’oreille cherche à suivre l’évolution des sons avant que la flûte et le saxophone n’entrent en jeu. Des notes brèves sont jetées dans l’espace, et on se prend à les voir circuler, puis évoluer, puis se déformer et enfin s’évaporer avant que d’autres n’arrivent, les chevauchant parfois. Ce qui n’empêche pas des passages où les différents interprètes jouent ensemble, créant alors une belle masse sonore évolutive, là aussi dans l’espace et le temps.

Le tout est cohérent, tient en alerte et, franchement, à aucun moment on n’a l’impression d’une quelconque expérimentation. C’est l’un des attraits majeurs de ce disque. Les musiciens, capables de pratiquer de très nombreux instruments, multiplient les combinaisons possibles entre notes soufflées et percutées tout en chatouillant nos oreilles. À tout moment le saxophoniste et ses complices pourraient repartir dans une nouvelle exploration, avec tout autant de succès et de richesse. Avec Roscoe Mitchell et son trio, on entend l’espace et on voit le temps.