Chronique

Eberhard/Rempis/Kessler/Reed

Exposure

Silke Eberhard (as), Dave Rempis (as, ts), Kent Kessler (b), Mike Reed (dms)

Label / Distribution : Aerophonic

Si les rencontres transatlantiques sont devenues monnaie courante, voire passage obligé pour toute une famille musicale proche du free dans son acception la plus large, elles n’en finissent pas pourtant de nous surprendre et de nous enthousiasmer.

Si Dave Rempis, le saxophoniste de Chicago et patron de l’impeccable label Aerophonic, a récemment rencontré TOC et la session Sangliers de The Bridge, il n’y a pas si longtemps qu’on le voit s’aventurer en Europe. Parallèlement, l’Allemande Silke Eberhard a été un secret bien gardé de l’autre côté du Rhin, jusqu’à ce que ses collaborations avec Ulrich Gumpert ou Uwe Oberg nous chantent aux oreilles. Il n’en fallait pas davantage pour que la simple idée d’un quartet réunissant les deux saxophonistes réjouisse les plus curieux. Notamment pour le duel dolphyen qui s’annonçait sur des morceaux au long cours, comme ce « Cutting Out » où la contrebasse de Kent Kessler fait également merveille, tant en pizzicati que sur les constructions à l’archet qui sont comme autant de coups de pinceaux.

Exposure est explosif. Ce n’est pas que du fait des soufflants. La base rythmique réunie ce jour-là au Elastic Arts de Chicago est de celles qui consument les mèches. Kent Kessler est nerveux et omniprésent, ainsi qu’il a pu l’être notamment avec Rodrigo Amado ; son association avec Mike Reed est des plus créative. Le batteur de l’AACM joue à cache-cache avec ses compagnons, offre beaucoup d’espace aux altistes. Quant aux saxophonistes, leurs styles différents sont très complémentaires. Dans « Dollar Family », morceau plus anguleux et abstrait où l’archet de Kessler fait une parfaite toile de fond, Eberhard est vive et semble sautiller entre les explosions de Rempis. Jamais on ne perçoit la moindre animosité dans ce quartet très soudé, bien plutôt un penchant pour la tension et la volubilité.

Fruit d’un travail de documentation de concerts plus ou moins anciens, le label Aerophonic propose régulièrement des rencontres étonnantes. Durant cet été 2020, plusieurs disques sont sortis, mais c’est certainement cet Exposure qui est le plus marquant par la chaleur qui s’en dégage. Enregistré en 2017, il illustre le parcours d’un quartet sans lendemain, mais dont on souhaiterait avoir des nouvelles tant il est équilibré et plein d’ardeur.

par Franpi Barriaux // Publié le 15 novembre 2020
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