Chronique

Eric Plandé Unit

The Feeling Never Stops

Eric Plandé (ts), Bob Degen (p), Norbert Dömling (b), Uli Schiffelhoz (d)

Label / Distribution : Auto Productions

La fascination de la scène européenne pour l’œuvre et surtout l’écriture de Joachim Kühn ne cesse de se renouveler. Trait d’union de sa génération, comme Daniel Humair, Béla Szacszi Lakatos ou Michel Portal, Kühn est souvent repris, rejoué, admiré. Le quartet réuni par le saxophoniste Eric Plandé, essentiellement si ce n’est totalement allemand (le Marseillais est installé à Francfort depuis de nombreuses années) est absolument dédié à la musique du pianiste de Leipzig, retraité à Ibiza, comme un chaleureux hommage [1]. Le timbre rond et puissant de Plandé, toujours serein dans son jeu fluide, se promène en éclaireur dans les ballades de Kühn ; car du doux « Thoughts About My Mother » au plus crépusculaire « Episode For Hope », c’est bien le ténor qui éclaire le chemin, même si le piano de Bob Degen est une sacrée boussole qui ne tombe jamais dans l’écueil de « faire du Kühn ».

Degen et Plandé n’en sont pas à leur coup d’essai. On se souvient de Human Nature, plus écorché, il y a plus de dix ans. Dans ce disque empreint de quiétude, à l’exemple du magnifique « Koma » où brille la contrebasse de Norbert Dömling, on retrouve davantage le Plandé hypersensible que l’on avait pu entendre avec Bruno Angelini ou plus encore avec Barre Phillips, totalement investi dans une musique nourrie par les sentiments et la force intime du souvenir. « Intim », justement, est la clé de voûte d’un album qui tient avant tout par le dialogue au sein d’un quartet que Plandé a volontairement qualifié d’Unit. La relation forte de Dömling avec le batteur Uli Schiffelhoz est, dans ce morceau comme ailleurs, le ferment de la liberté.

Autre grand modèle pour Eric Plandé, le saxophoniste Pharoah Sanders n’est pas absent, puisque le dernier morceau « Pharoah » lui rend hommage avec une souplesse absolue, se laissant aller à une nostalgie satinée que le piano embrasse. Cet Unit doit son liant à ce goût du climat porté par Plandé et ses musiciens, à l’image d’un batteur délicieusement coloriste. The Feeling Never Stops est un disque qui transcende le principe de l’hommage pour aller chercher ce qui compte vraiment pour ces musiciens : se projeter intensément dans cette musique pensée pour refléter l’âme.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 novembre 2024
P.-S. :

[1Plandé a joué avec Kühn (Between The Lines, 2008) NDLR.