Chronique

Eric Plandé & Bruno Angelini

Black Moon

Eric Plandé (ts, ss), Bruno Angelini (p, keyb)

Label / Distribution : Cristal Records

Les soirs de nuits sans lune, il y a de la magie, dit-on. Des ombres inédites, c’est sûr. Des profondeurs nouvelles, des torpeurs différentes. C’est ce que suggère « Black Moon », hymne d’un disque de retrouvailles entre Eric Plandé et Bruno Angelini. Le premier avec un son de ténor plein, terrien, à la fois lourd et d’une grâce de gymnaste. Le second toujours sur la brèche entre l’économie de gestes et les averses de détails, la main droite semblant semer à la course une main gauche puissante, et elle aussi solidement arrimée dans la roche. Car c’est bien le délicieux paradoxe de ce duo de vieux amis : la lune n’est pas absente, elle est noire. Elle s’éclipse, elle s’irise, mais elle luit encore. C’est à cette lumière que le disque doit être passé, comme une encre sympathique.

Le pianiste a joué avec Christophe Marguet et Giovanni Falzone, il reste de ces collaborations une parole empreinte de poésie, mais de goût pour l’image ; Eric Plandé est installé en Allemagne, on l’a entendu il y a peu avec un autre pianiste, Uwe Oberg, dans une démarche assez dissemblable du présent exercice. Une chose reste, qui apparaît dès « Dawn » qui ouvre l’album avec ferveur : une puissance qui transporte et qui caresse. Quelque chose de définitivement charnel, qui s’accorde bien aux habituelles images d’Angelini. Et s’empare même d’une pointe de tristesse, en tout cas de sentiment d’éloignement dans « Solitude », où les instrumentistes s’effacent l’un pour l’autre, comme s’ils continuaient à jouer ensemble, dans le brouillard.

Car ce duo entre Eric Plandé et Bruno Angelini est ancien. Il est né dans les années 90 sur les bancs du CIM, école de musique parisienne, et se retrouve dans ce bel enregistrement chez Cristal Records. Le Black Moon du duo ressemble à une errance dans les rues de Paris, qui s’apparente au Memories of Paris d’Eric Watson et ses ballades fantomatiques. Rien d’étonnant à cela. Il y a des figures communes, des racines lointaines. Steve Lacy bien sûr, mais surtout John Betsch et Jean-Jacques Avenel, avec qui tout ce petit monde a joué. Et sans doute quelques atomes de Mal Waldron qui volent au gré du vent dans « Shanti », une des belles compositions d’Eric Plandé. Un disque fait de larmes et de joies.