

Grimal & di Domenico
Shakkei
Alexandra Grimal (ss), Giovanni di Domenico (p).
Label / Distribution : Relative Pitch
Le jardin japonais d’Alexandra Grimal et de Giovanni di Domenico n’est pas balayé par les vents. Cinq ans après Down The Hill, on retrouve le duo très intimiste de la talentueuse saxophoniste avec le pianiste italien. Le disque a le nom d’une tradition nippone de l’ornementation paysagère. On sait l’importance que revêt la culture japonaise dans l’œuvre d’Alexandra Grimal ; on la perçoit tout de suite, dès les premiers instants de « Komori », dignes d’un film de Miyazaki, dans le flot cristallin d’une main droite qui pérégrine. D’abord, dans ce premier morceau, seul le piano de di Domenico s’installe ; c’est le climat, la volonté d’aller chercher dans le souffle de l’imaginaire. Plus tard, le soprano vient déchirer la brume à petites incises, comme un soleil qui perce. Davantage que dans les œuvres précédentes, le duo se place aux franges du sensible.
La poésie est de mise ici, ainsi qu’un goût affirmé pour le minimalisme et les motifs répétitifs, une voie que Grimal emprunte de manière plus directe depuis Refuge, mais qui prend ici une forme beaucoup plus charnelle. À bien des aspects, et notamment sur le très beau « Ishi no Irai », Giovanni di Domenico révèle à la saxophoniste elle-même ses propres songes : il se balade le nez dans un vent qu’elle irise doucement, avec une façon très joueuse, presque enfantine d’aborder le tintinnabulement du clavier. Ce n’est pas la première fois que la musique d’Alexandra Grimal s’inspire de l’enfance ; on pourrait même dire qu’elle puise son inspiration à ces racines simples et pures. Mais depuis Hybrids-Hi Birds avec Lynn Cassiers, on perçoit une direction plus consciente, un monde qui s’ordonnance et se veut autant Yin qu’il peut être Yang.
Giovanni di Domenico, lui, joue pleinement le jeu : il se fait sépulcral dans « Kuden », qui se place au pivot du disque avec un ténor plus incarné pour Grimal, laissant un certain angélisme de côté pour planter ses deux pieds dans le sol fertile des traditions du jazz et des musiques créatives. Ailleurs, dans le central « Sannai », c’est une version plus sombre et plus tortueuse qui se présente, avec un saxophone qui se perd dans une nappe d’orgue arachnéenne. En peu de notes, le duo instaure une ambiance et la fait vivre à nos oreilles, il projette des images mentales et les anime. C’est la marque d’une maturité nouvelle pour ces deux musiciens qui n’ont pas besoin de fureur pour construire un propos plein de contraste et de relief.