Magda Mayas’ Filamental

Second album pour la pianiste berlinoise d’adoption, Magda Mayas, en compagnie de son Filamental, octet qui ressemble à une petite machine de guerre de la musique improvisée, véritable wall of fame de la discipline. Nous avions consacré un portrait à Mayas lors de la sortie de Confluence, déjà chez Relative Pitch. Il faut reconnaître que la jeune femme a de quoi attirer l’oreille : élève de Misha Mengelberg, son approche très charnelle du piano, radicale sans être tonitruante, séduit dès qu’on se laisse aller à l’écoute profonde. Musicienne de l’intime, Mayas se plaît dans l’exercice des duos, comme celui qu’elle anime avec Christine Abdelnour ou ce trio qui fait parler de lui depuis plusieurs années aux côtés de Christoph Erb et de Gerry Hemingway. Musicienne de l’intime, elle n’envisage absolument pas autrement cet octet où les cordes dominent. Dans « Re-Contour », le premier morceau de l’album, son piano assourdi joue un ostinato troublant que les deux violoncelles habillent (Aimée Theriot-Ramos & Anthea Caddy) et que les harpes font dévier (Zeena Parkins & Rhodri Davies).

Si Confluence s’inspirait d’un lieu de Genève où deux fleuves se rejoignent, sur la base de photos en guise de partition, Ritual Mechanics répond à une toute autre procédure pour agir selon la même confluence : chaque instrumentiste est individuellement capté, puis aggloméré dans l’enregistrement final. Ce travail nécessite une connaissance parfaite de ses compagnons, une relative retenue et, là encore, comme dans Hour Music, un goût certain pour l’infiniment petit. C’est « Ritual Mechanics », le morceau titre, qui en donne la plus belle image, avec une musique qui va crescendo jusqu’à l’unisson, comme un jeu d’engrenage. On n’est pas surpris de retrouver dans l’aventure Michael Thieke qui accompagne Abdelnour dans le MilesDavisQuintetOrchestra !. On retrouve un même soin pour que la musique soit perçue physiquement, comme un gigantesque voyage onirique.

Magda Mayas est la seule musicienne a avoir à côté d’elle la violoniste Angharad Davies ; la Galloise, sœur du harpiste, fait corps avec le piano. On peine parfois à distinguer les deux en fonction de leurs préparations, et c’est une sorte de noyau qui entraîne les autres dans une lente agrégation. Ritual Mechanics est un disque envoûtant dans son goût pour la persistance et le relief qui donne le sentiment d’une patiente roche sédimentaire qui viendrait épouser les instruments pour mieux capturer l’instant immatériel.