Portrait

Magda Mayas : la musique imagée

La pianiste allemande concrétise un rêve.


Illustration : Cécile Mirande-Broucas

Le premier album de son groupe Filamental, Confluence (Relative Pitch Records), qui rassemble des musiciens éclectiques avec un accent mis sur les cordes, est un enregistrement public réalisé en novembre 2019 au cours du Music Unlimited Festival à Wels en Autriche.

Magda Mayas est originaire de Münster dans le sud de l’Allemagne et, au moment d’entreprendre ses études supérieures, elle s’installe à Berlin, une ville qu’elle n’a pas quittée depuis. Parmi ses professeurs, les pianistes Misha Mengelberg (lors d’une embardée à Amsterdam) et Georg Gräwe ont eu la plus forte influence, le premier pour son ouverture d’esprit, le second pour sa rigueur.

Elle a bâti sa réputation en grande partie autour de plusieurs duos. Le principal est SPILL en compagnie du batteur australien Tony Buck, membre inamovible du trio The Necks et autre Berlinois d’adoption. « Nous avons joué la première fois ensemble lorsqu’il a fallu qu’un soir je trouve un remplaçant pour le batteur de mon trio de l’époque [Morten Olsen], explique-t-elle. J’ai alors découvert que nos palettes sonores se recoupaient et que nos timings et notre phrasé étaient en symbiose. » Un enregistrement devrait sortir courant 2022 pour célébrer le 20e anniversaire de leur collaboration.

Un autre duo majeur l’associe à la saxophoniste alto Christine Abdelnour qu’elle rencontre en 2008 durant Irtijal, le festival créé à Beyrouth par le trompettiste Mazen Kerbaj et le guitariste Sharif Sehnaoui. La musicienne d’origine libanaise fait d’ailleurs partie de Filamental. « Ces duos ne représentent pas un choix conscient, dit-elle. J’aime les petits formats car ils permettent de créer plus facilement un climat d’intimité. »

Magda Mayas @ Gérard Boisnel

Le dernier album de Magda Mayas, Confluence, la voit changer son fusil d’épaule. Elle est à la tête d’une formation composée de huit musiciens, avec une concentration sur les instruments à cordes (Angharad Davies au violon, Anthea Caddy et Aimée Theriot au violoncelle, Rhodri Davies et Zeena Parkins à la harpe, complétés par Michael Thieke à la clarinette, Abdelnour au saxophone alto et, bien entendu, Mayas au piano). « Je rêvais depuis longtemps d’un projet orchestral avec des cordes car je considère le piano à la fois comme un instrument de percussion et un instrument à cordes », avoue-t-elle.

Ce projet est également l’occasion d’approfondir ses recherches sur les partitions graphiques. Elle utilise une douzaine de photos qu’elle a prises elle-même à Genève où l’Arve se jette dans le Rhône. Alors, comment interpréter ces images pour créer de la musique ? « Ces clichés sont similaires et ce sont vraiment des détails qui les différencient, déclare-t-elle. Ils suggèrent également un état d’esprit et constituent un cadre à l’intérieur duquel les musiciens évoluent. Je voulais entendre comment allaient sonner des artistes d’horizons disparates avec des timbres qui se recoupent et voir ce qui pourrait se produire dans une telle situation, voir comment la musique allait progresser. »

Alors que les musiciens improvisent, font des propositions ou réagissent à celles de leurs partenaires, ces photos sont au service d’un mode exploratoire visant à découvrir comment des changements infimes peuvent affecter le déroulement des opérations. Concrètement, l’octuor entretient une atmosphère onirique habitée par de subtiles textures. Et si l’écoute du disque évoque la rencontre de deux longs fleuves tranquilles, elle affirme n’avoir donné aucune consigne quant au tempo.
En dépit de la distance qui sépare les membres de Filamental – ils résident en Allemagne, en France, aux États-Unis, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni –, Magda Mayas souhaite poursuivre son travail avec ce groupe et s’attache actuellement à écrire de nouvelles pièces. « Je compte toujours utiliser des partitions graphiques avec des formes expérimentales de notation », dit-elle. Dans les mains de Magda Mayas, les possibilités semblent infinies.