Natsuki Tamura & Satoko Fujii

Aérienne, la musique de Natsuki Tamura l’est absolument. Le trompettiste qui propose avec Aloft un nouvel avatar des dialogues avec sa compagne Satoko Fujii le montre dès « Migration », morceau inaugural où une trompette légèrement voilée regarde vers les étoiles, propulsée par un piano concertant, presque doux dans son flux agité de vagues inexorables. Après des années à scruter les éléments ensemble, on comprend vite que la pianiste se place le temps d’un album derrière les explorations de la trompette. Si le vent de Kaze avait déjà cette particularité, ici, c’est d’une chronique de l’intime qu’il s’agit. Quelque chose qui avec « Travelling Bird » tient davantage de la contemplation et d’un goût pour le silence : morcelé, attentif à chaque mouvement, jusqu’aux sonnailles que le trompettiste ajoute au piano, le propos du duo prend un tour différent.

En effet, depuis Keshin, beaucoup de choses ont changé. Ce précédent duo avait enregistré durant les confinements, c’était un disque de l’attente et du temps long, du besoin de mouvement ; le temps a repris et le couple, qui joue beaucoup ensemble mais singulièrement moins souvent à deux avait sans doute besoin d’un instant chaleureux. D’un temps suspendu comme l’est « Lifting » où la trompette s’immisce au sein de quelques accords grêles comme une pluie de printemps avec une douceur inouïe. Ce disque est avant tout un témoignage de tendresse, très éloigné du récent Dog Days Of Summer en quartet, et pourtant indubitablement nécessaire à un équilibre.

Il est mignon, ce couple de palmipèdes qui marche sur une plage déserte du Pacifique nord, seul au monde et en dehors du temps, mais qui délivre pourtant un symbole d’unité et de concorde. De la pochette de l’album au magnifique Samurai Hotel de New York où a été enregistré cet album, il y a comme une sorte de transfert. Aloft ne touche pas terre, vogue dans les limbes, même lorsque « On The Flyway » se fait plus grasseyant dans le jeu de Tamura. C’est la célébration neuve d’une fusion musicale qui perdure depuis des années sans se poser davantage de questions ; juste pour le bonheur d’être et de partager. Un cadeau que nous acceptons sans retenue.